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Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 8.djvu/458

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former un royaume à part ; mais ce royaume slave, pour se maintenir contre la nouvelle monarchie des Huns, dut se faire feudataire de l’Allemagne, et en recevoir par conséquent la religion et les idées. De là le latinisme désormais ineffaçable des Tchéquo-Slaves. Cette direction sociale, dont ils sentent aujourd’hui tous les inconvéniens, leur fut très avantageuse tant que régna en Occident la barbarie féodale. En paix alors avec leurs fanatiques voisins, grace à leur religion et à leurs mœurs latines, ils atteignirent à un précoce épanouissement de civilisation. Dès le XIVe siècle, l’université de Prague était une des lumières de l’Europe, et rivalisait avec celle de Paris. Dépositaire d’une foule de trésors scientifiques, la langue tchèque était étudiée par les savans étrangers. Ce développement intellectuel alla grandissant chez les Tchéquo-Slaves jusqu’à l’entrée du XVIIe siècle ; alors l’esprit national commença à fléchir. La savante Bohême, enivrée d’elle-même, après avoir la première éveillé dans le monde, par la voix de Jean Huss, l’esprit du protestantisme, ne consacra plus son génie qu’aux querelles théologiques, et sa force qu’aux guerres religieuses. Aucun peuple du monde ne combattit jamais pour sa croyance contre l’Allemagne entière. Aussi, quand l’épuisement eut mis fin à cette lutte à la fois sublime et infernale, la Bohême n’était plus qu’un désert. Un peuple de plusieurs millions d’hommes se trouvait réduit, à huit cent mille individus. Dès-lors l’Allemagne dut tendre à germaniser les pays tchèques, ne fût-ce que par la nécessité de les repeupler avec des colonies venues du dehors. Ce travail d’assimilation fut poursuivi avec une persistance, souvent même avec une cruauté incroyable et cependant il tourne aujourd’hui contre ses propres auteurs. Parmi les quatre millions et demi d’habitans actuels de la Bohême et de la Moravie, ceux qui sont Allemands d’origine deviennent chaque jour plus fiers de leur titre de Bohêmes et du sang slave infusé dans leurs veines. On pourrait presque dire que les plus chauds défenseurs de la nationalité tchéquo-slave sont des Allemands. La prétendue germanisation des Bohêmes peut donc continuer, car, en dépit de ceux qui la propagent, elle porte de nobles fruits et fournit aux opprimés des auxiliaires pour la lutte.

Cette lutte, espérons-le, ne se fera point par les armes ; elle continuera sur le terrain des idées ; elle se poursuivra comme elle a commencé par la discussion, par l’organisation morale, par les manifestations populaires. C’est à ces moyens pacifiques qu’elle devra ses triomphes. L’Autriche est trop habile pour ne pas faire, quand il en