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les yeux de l’ambassadeur de France, du général Cubières, de toute la diplomatie, des généraux autrichiens, le saint père, tout en promettant de ses prédécesseurs. Le cardinal Albani commença les procès de Bologne ; les juifs d’Ancône durent payer 600,000 francs pour avoir vu avec plaisir la révolution de 1831 ; les habitans de Bologne et d’Ancône qui demandaient par une pétition l’accomplissement des promesses faites par le pape à la diplomatie furent excommuniés par sa sainteté. Rivarola était dépassé. Les sanfédistes, enrégimentés par les prêtres de Faenza, dirigés par le duc de Modène et par Canosa, l’ancien ministre de la police de Naples, se montrèrent au grand jour, étalant une devise, des médailles à l’effigie du duc de Modène et du saint père, des lettres-patentes au nom de la congrégation apostolique, des privilèges, des indulgences et des promesses d’argent. Ils prêtaient serment d’élever le trône et l’autel sur les os des infames libéraux, et de les exterminer sans pitié pour les cris des enfans et les larmes des vieillards et des femmes[1]. Les désordres commis par ces brigands passaient toutes les limites, et la cour de Rome, régularisant l’anarchie, organisait les sanfédistes en corps de volontaires, auxquels on accordait une solde assurée et de nouveaux privilèges. C’étaient les volontaires qui, en 1834, ensanglantaient les rues de Faenza, Imola, Lugo : la population invoquait contre ces violences la protection des tribunaux ; le cardinal Bernetti donnait l’ordre aux présidens des tribunaux de protéger les volontaires, et les tribunaux obéissaient.

Le résultat de l’intervention franco-autrichienne dans la Romagne fut, à l’intérieur, de faire sortir le sanfédisme et le carbonarisme des sociétés secrètes pour mettre ces deux tendances ouvertement en présence ; à l’extérieur, de montrer la différence qui existe entre la politique du saint-siège et celle, des états modernes. Sans doute il y a des conseils municipaux dans la Romagne, on a fondé des conseils provinciaux pour satisfaire la diplomatie ; mais le gouvernement nomme les conseillers, et il se sert précisément de ces conseils provinciaux pour aggraver l’impôt et pressurer les communes. La dette publique augmente tous les ans, la sûreté personnelle est menacée par l’inquisition par les évêques, par la police et par les carabiniers ; le désordre et la confusion règnent dans les tribunaux, les peines sont toujours arbitraires, et la guerre civile est toujours imminente.

  1. « Senza avere compassione delle grida de fanciulli de pianti devecchi eu della donne. » Nous copions une formule imprimée.