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tous ses droits, ne sauraient manquer de diminuer considérablement en Angleterre l’influence politique de l’aristocratie. Il est fort vraisemblable que le mécanisme du gouvernement du royaume uni arrivera à subir une impulsion démocratique, et il est certain que le jour où l’on en sera arrivé, là, le pouvoir centralisé, la couronne, auront considérablement agrandi leur action. Nous sommes charmé, pour notre part, que des esprits jeunes, que des hommes qui s’appuient sur de vieilles traditions, et qui sont tories de naissance, prévoyant un changement qui amènera l’Angleterre à une constitution politique analogue à celle de la France, s’en applaudissent ; mais s’ils voulaient faire de ces idées une arme d’attaque contre la situation actuelle, contre le ministère à la tête duquel sir Robert Peel est placé, nous ne leur accorderions pas la même valeur. Tandis qu’en France quelques personnes sont portées à se plaindre de la trop grande influence de la royauté, c’est un piquant contraste assurément de voir en Angleterre des hommes, frappés d’un inconvénient opposé, demander pour la royauté une part d’influence plus grande ; cependant ni l’une ni l’autre de ces préoccupations ne nous touche beaucoup. Dans les monarchies représentatives, l’initiative de la couronne a deux limites pratiques qui rendent ces vœux ou ces regrets également superflus. Ces limites sont la capacité du souverain ou des hommes politiques auxquels le souverain confie son autorité, et la volonté électorale exprimée par la majorité de la chambre populaire. Si la royauté est assez intelligente et assez habile pour imprimer une direction qui obtienne le concours de la représentation nationale, on n’aurait le droit de s’en plaindre que s’il avait été auparavant décrété qu’il ne saurait être permis à un roi constitutionnel d’être intelligent ou habile. De même, si l’impulsion à laquelle le parlement s’associe émane d’une influence supérieure, par le talent ou par les intérêts qu’elle représente, à celle de la royauté, protester contre cette impulsion, c’est contester les principes du gouvernement représentatif, c’est glisser vers la pente du despotisme. La grande question n’est pas de savoir d’où vient la pensée qui gouverne, mais de savoir si le gouvernement est dirigé dans le sens des véritables intérêts du pays. Voilà le débat qu’il faut engager et soutenir devant l’opinion publique, persuadé d’avance de la justice de tous ses arrêts constitutionnellement rendus, et dans la confiance que les peuples sont suffisamment éclairés sur leurs intérêts par l’instinct conservateur que la Providence a donné avec la vie à toutes ses créatures.

Je dois reconnaître que la jeune Angleterre paraît ne pas vouloir