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mais nul ne mit le doigt dessus, si ce n’est pourtant notre marquis, dont le reste de l’existence fut empoisonné par l’idée que décidément sa fille avait aimé le hussard. Cependant, lorsqu’il put, le testament de Bernard à la main, faire débouter de ses prétentions à la succession vacante l’administration des domaines, le marquis ne put s’empêcher de convenir que ce garçon avait bien fait les choses. Il continua de vivre comme par le passé, sans que l’éloignement de sa fille eût rien changé à ses habitudes. Il mourut de peur en 1830, en entendant une bande de jeunes gars qui s’étaient attroupés sous ses fenêtres en chantant la Marseillaise et en lui brisant quelques vitres. Notre jeune baron est entré dans une riche famille roturière où il joue le rôle de George Dandin retourné. Le beau-père se raille des titres de son gendre et lui reproche les écus qu’il lui a comptés ; sa femme l’appelle monsieur le baron en lui faisant les cornes. Mme  de Vaubert vit encore. Elle passe ses journées en arrêt devant le château de La Seiglière, et toutes les nuits elle rêve qu’elle est changée en chatte, et qu’elle voit danser devant elle, sans pouvoir seulement lui allonger un coup de patte, le château changé en souris. Après la mort de son père, Mlle  de La Seiglière a disposé de tous ses biens en faveur des pauvres, et l’on assure que le château même, d’après les intentions de sœur Hélène, deviendra bientôt une maison de refuge pour les indigens.

Jules Sandeau.