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scientifiquement les monumens du moyen-âge. Au fond, toutes les incertitudes sur cette époque de transition se réduisent à un seul point litigieux, l’origine de l’ogive ; question complexe, question insoluble, quand on l’aborde isolément, quand on veut y voir une énigme dont un mot unique peut donner la clé. Nous chercherons plus loin sous combien d’aspects divers il faut l’envisager, à quelles autres questions il faut la rattacher, pour qu’il y ait quelque chance d’en poursuivre utilement la solution. Nous verrons les points qu’on peut espérer d’éclaircir, la direction qu’il convient d’imprimer aux recherches qui seront désormais entreprises ; quant à présent, il n’est pas besoin d’insister pour prouver que cette seconde classe de monumens est encore imparfaitement étudiée, et que presque tout est à faire pour la soumettre à une classification régulière et méthodique.

Il n’en est pas ainsi de la troisième. Quelle que soit l’origine de l’ogive, que son apparition soit plus ou moins ancienne, qu’elle nous vienne de l’Orient ou des régions septentrionales, qu’elle soit sacerdotale ou laïque, qu’elle résulte d’une production spontanée et nécessaire, ou de combinaisons accidentelles et capricieuses, il est un fait certain, incontestable, c’est qu’à partir du commencement du XIIIe siècle (à quelques années près, selon les pays), on voit toutes les constructions religieuses, civiles, militaires, sans exception, exécutées d’après un système uniforme et régulier, système dont les élémens sont, les uns entièrement neufs, les autres combinés dans un ordre tout nouveau, système enfin dont on peut déterminer exactement le but, les conditions et la durée.

Ce n’est pas là un paradoxe. Nous n’avons pas hésité tout à l’heure à reconnaître ce qu’il y avait d’incomplet, au point de vue de la science, dans les époques précédentes ; nous n’avons pas caché que du VIe au XIIe siècle, l’imagination et le hasard semblaient se mêler parfois aux règles qui gouvernent les divers styles à plein cintre, que l’histoire du style de transition était encore pleine de vague et d’incertitude ; mais maintenant que nous sommes dans le XIIIe siècle, maintenant que l’ogive a définitivement remplacé le plein cintre, un spectacle tout différent s’offre à nous : nous voyons cette régularité, cet enchaînement, cette conséquence, cette série de rapports, à la fois fixes dans leur principe et variables dans leur application, qui constituent un système, et malgré tous les livres d’architecture, malgré les doctes arrêts de leurs auteurs, il faut bien qu’on nous permette de constater ce que nous voyons.

Si les érudits qui ont jugé l’art du moyen-âge sans le connaître et