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autant de fermeté que de modération, seraient fort propres à allumer l’incendie. Prouver à l’Europe que l’administration actuelle, une administration qui n’a pas le bonheur d’être protégée par l’Angleterre, ne peut assurer ni la tranquillité intérieure ni le respect des traités, voilà le but, et sur le choix des moyens on paraît peu scrupuleux.

Je pourrais entrer dans de nombreux détails ; je me borne à faire ressortir les faits principaux, ceux qui caractérisent nettement la situation. Or voici où en sont en ce moment les choses à Athènes, à Londres, à Paris.

A Athènes, il y a un ministre français qui appuie le cabinet, un ministre anglais qui conspire ouvertement contre lui.

A Londres, il y a un premier ministre qui loue hautement la conduite de la légation anglaise, qui blâme le ministère grec, qui couvre en outre d’un assentiment implicite les injures que certains membres, du parti ministériel adressent à la politique et au ministre de la France.

A Paris, il y a un cabinet qui se déclare également satisfait du gouvernement grec et de ceux qui l’attaquent, qui approuve le ministre de France et qui ne trouve pas mauvais qu’on l’injurie publiquement à Londres.

Tel est, en ce qui concerne la Grèce, l’état exact des rapports actuels de la France et de l’Angleterre ; tels sont les résultats de l’entente cordiale, de cette entente qui, à Athènes surtout, devait produire des fruits si merveilleux. On dit à la vérité que, depuis quelques jours, la légation anglaise a reçu l’ordre de modérer son zèle et de mesurer son langage. On ne dit pas qu’il lui ait encore été enjoint de changer sa politique. Ce sera entre les deux gouvernemens, entre les deux légations, une lutte un peu moins vive, un peu moins apparente ; ce sera toujours une lutte.

A Constantinople, les bons rapports existent, du moins à la surface et dans un cercle étroit. Ainsi que, dans un pur intérêt d’humanité, il s’agisse d’arracher au divan quelque concession ou quelque réforme ; que l’on veuille, par exemple, faire modifier l’article de la loi religieuse qui punit de mort les renégats, ou obtenir le changement d’un pacha violent et cruel, aussitôt entre les deux ambassadeurs comme entre les deux gouvernemens, il s’établit un accord salutaire, un accord honorable et fructueux ; mais, quelque importantes qu’elles soient, les questions d’humanité ne sont pas tout dans ce monde, et il y a autre chose à faire en Orient que d’améliorer la loi pénale et