Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/1181

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de principes que des ressentimens personnels qui l’avaient séparé d’Addington. Le roi, qui n’avait pas cessé de désirer et d’espérer la réunion de deux hommes dont, pour des motifs divers, il appréciait presque également les services, s’interposa pour les rapprocher. Il parvint à les réconcilier, et le 14 janvier 1805, Addington, élevé à la pairie sous le titre de vicomte Sidmouth, entra dans le cabinet comme président du conseil à la place du vieux duc de Portland qui se retira volontairement. Un de ses amis, lord Buckingham, jadis connu sous le nom de lord Temple, et frère aîné de lord Grenville, succéda, comme chancelier du duché de Lancastre, à lord Mulgrave, appelé à remplacer au département des affaires lord Harrowby, que l’état de sa santé venait d’obliger à la retraite. Vansittard et d’autres partisans d’Addington devinrent membres du conseil privé ou obtinrent des emplois inférieurs. L’expérience devait prouver bientôt que cette réorganisation du ministère, en le rendant moins homogène et en portant quelque atteinte à la considération des hommes qu’on voyait s’y réunir après des querelles si violentes et si récentes, n’avait pas beaucoup augmenté sa force réelle. Cependant, elle lui procura d’abord un renfort de quelques voix, et l’aida à surmonter les premières difficultés de la session qui s’ouvrit le lendemain.

La question de la guerre déclarée à l’Espagne fut aussitôt portée devant le parlement. Un projet d’adresse qui approuvait la conduite tenue en cette circonstance par le gouvernement ayant été présenté aux deux chambres, lord Grenville dans la chambre haute, et dans celle des communes Grey, Fox, Windham, blâmèrent énergiquement, comme un acte de mauvaise foi, comme contraire au droit des gens et aux usages de la civilisation, l’enlèvement des frégates espagnoles attaquées avant la déclaration de guerre. Grey, comparant la politique du précédent ministère avec celle qu’on avait adoptée depuis que Pitt était revenu au pouvoir, dit que, si on avait pu reprocher à Addington sa faiblesse et son irrésolution, son successeur pouvait, à aussi bon titre, être accusé de précipitation et de violence. Pitt défendit longuement, avec beaucoup d’éloquence et d’habileté, la marche qu’il avait cru devoir suivre. Il s’attacha à prouver qu’on avait usé envers l’Espagne d’une patience excessive, et qu’il n’existait aucun doute sur les intentions hostiles dont elle était animée au moment où l’on avait jugé nécessaire de diminuer, par une initiative énergique, les moyens qu’elle avait de les rendre effectives. Les autres ministres parlèrent dans le même sens, et une très forte majorité, écartant les amendemens de l’opposition, vota les projets d’adresses.