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Russie et la Suède, eut plus de peine à entraîner l’Autriche, toujours lente à se prononcer, lors même que ses intentions sont déjà arrêtées. Elle finit pourtant par suivre l’impulsion que l’Angleterre et la Russie s’efforçaient de lui donner, mais ces deux puissances furent moins heureuses dans leurs tentatives pour s’assurer la coopération de la Prusse. Promesses, récriminations, menaces même, tout fut impuissant auprès de Frédéric-Guillaume, attaché, malgré les excitations de sa famille, malgré le vœu de son peuple, à un système de neutralité dont l’expérience devait bientôt lui démontrer les dangers ou, pour mieux dire, l’impossibilité absolue en des circonstances aussi extrêmes. Les alliés, sans renoncer complètement à obtenir plus tard son concours, se virent donc obligés de concerter sans lui des projets et des opérations auxquels l’adhésion du cabinet de Berlin eût donné une tout autre efficacité. Nous n’entrerons pas dans le détail infini des négociations qui préparèrent ces arrangemens, des conventions particulières qui en réglèrent les détails. Il nous suffira d’indiquer les stipulations du traité conclu à Saint-Pétersbourg, le 1er avril 1805, entre la Russie et l’Angleterre, et qui servit de bases à tous les autres. Aux termes de ce traité, on devait réunir 500,000 hommes pour obliger la France à accepter des conditions compatibles avec l’équilibre et l’indépendance de l’Europe. L’Angleterre s’engageait à payer un subside de 1,250,000 livres sterling pour chaque centaine de mille hommes que mettraient sur pied ses alliés. Les Français devaient être contraints d’évacuer le Hanovre, le nord de l’Allemagne, l’Italie, l’île d’Elbe, et de laisser la Hollande aussi bien que la Suisse complètement indépendantes. Le Piémont serait rendu au roi de Sardaigne avec un arrondissement de territoire ; on pourvoirait, par des garanties expresses et efficaces, à la sûreté des différens états contre toute nouvelle usurpation. Dans le cas où la victoire couronnerait les efforts de la coalition, on promettait de n’imposer ni à la France, ni à aucun pays, un gouvernement autre que celui qu’appellerait le vœu national. Enfin, il était convenu que jusqu’à la conclusion de la paix aucune des parties contractantes ne s’approprierait la moindre portion des pays enlevés à l’ennemi, que ces pays seraient occupés soit au nom du gouvernement auquel ils appartenaient antérieurement et légitimement, soit au nom de l’alliance en général, et qu’après la fin de la guerre un congrès serait tenu pour fixer les principes du droit des gens comme aussi pour établir une sorte de fédération européenne.

La politique qui inspirait ces stipulations, comparée à celle qui avait dirigé les alliés au commencement des guerres de la révolution française,