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passe aujourd’hui, la discussion sera courte. Depuis quelques jours, la chambre, après avoir voté la loi des colonies et plusieurs chemins de fer, s’est mise à expédier le budget. Les chapitres, discutés et votés, disparaissent avec une rapidité prodigieuse. Cependant jamais le rapport de la commission des dépenses n’a été si volumineux, jamais M. Bignon n’a été si prolixe ; mais la chambre a hâte de partir : sa patience est à bout. Elle a mené depuis six mois une existence si laborieuse ! le ministère lui a donné tant de fatigues ! elle a fait tant de propositions, elle a usé si souvent de son initiative ! Aujourd’hui, elle est lasse de gouverner. Aussi, comme on passe précipitamment sur les mille questions que soulève la discussion du budget, questions souvent intéressantes, souvent sérieuses, et toujours si peu connues ! Pour fixer l’attention, il faudrait que des orateurs précis, lumineux, prissent plus souvent la parole. Seul, M. Vivien a donné à cet égard un utile exemple, et a pris une part brillante à la discussion du budget de l’intérieur. Sans M. Vivien, le budget de l’intérieur aurait été à peine discuté, et M. Duchâtel aurait eu le chagrin de remporter une victoire sans combat, tandis qu’au contraire, stimulé par les attaques de son spirituel adversaire, M. le ministre de l’intérieur a été vif, animé, souvent heureux dans ses répliques. On voyait bien, ce jour-là, que M. Duchâtel n’avait plus sur les bras l’intérim des affaires étrangères.

À propos du budget ou des crédits supplémentaires, on peut parler de tout. Aussi les affaires religieuses sont-elles revenues sur le tapis pendant cette quinzaine. Il en a été question dans les deux chambres. Nous annoncerons avec plaisir que le ministère, fortifié sans doute par les interpellations si mesurées et si habiles de M. Thiers, paraît prendre vis-à-vis des jésuites et du clergé une attitude plus ferme. M. le garde-des-sceaux commence à déclarer d’une manière assez nette qu’il exécutera les lois et qu’il soutiendra l’autorité de l’état. M. de Montalembert ne l’intimide plus. Il ose répondre au fils des croisés et lui dire assez énergiquement et assez spirituellement son fait dans l’occasion. C’est une métamorphose que nous n’avions pas espérée. En même temps le bruit court que M. le ministre des affaires étrangères a pris la résolution de terminer la question des jésuites dans un assez bref délai. Nous l’applaudirons s’il réussit ; mais il nous permettra bien d’adresser quelques remerciemens à M. Cousin, à M. Thiers et à M. Dupin.

En Espagne, l’opinion publique est tout-à-fait revenue ou peu s’en faut, de l’émotion qu’y avaient excitée les derniers évènemens. L’appendice au concordat du mois d’avril, maintenant toutes les exigences du pape, le gouvernement de Madrid a sur-le-champ ordonné à son représentant d’avoir à signifier au saint-siège qu’il n’acceptait pas plus l’appendice que le concordat. Par une détermination si énergique et si franche, le cabinet Narvaez a regagné dans la Péninsule toutes les sympathies que lui avait enlevées l’issue malheureuse des premières négociations. Si nous sommes bien informés, l’atti-