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et de ces répulsions nationales étant ainsi déterminée, nous avons un moyen pour juger les entreprises de la guerre qui seules ont fait communiquer les peuples durant les ages de barbarie. Il existe des conquêtes arbitraires et des conquêtes naturelles. Les conquêtes naturelles sont celles qui, par l’union de deux races en mouvement l’une vers l’autre, doivent concourir à l’avancement de la civilisation ; les conquêtes arbitraires sont celles qui agitent et confondent les peuples pour satisfaire l’amour-propre d’un homme ou d’une société. Les unes se sont généralement maintenues, les autres ont été renversées. Les peuples qui travaillent à défendre leur nationalité travaillent presque toujours à conserver en eux les élémens dont l’existence est nécessaire à la nature pour achever l’espèce humaine. C’est alors que la guerre est sainte. Il y a dans l’histoire un grand spectacle, c’est Vercingétorix en face de César, la Gaule et Rome. La race gauloise maintenait en elle par les armes un des germes de la civilisation future ; elle fut vaincue, mais non soumise. L’indépendance des caractères celtiques se dégagea plus tard de la lutte ; leur conservation survécut même à la conquête et au conquérant. Dans ces derniers temps, l’erreur de Napoléon et l’une des principales causes de sa chute fut d’avoir voulu amalgamer dans la victoire des races hétérogènes qui n’étaient point du tout préparées à s’unir. L’homme le plus fort ne peut rien contre la force de la nature, et toute entreprise qui violente les rapports des races entre elles échappe à la main de son auteur. Les chemins de fer, en ouvrant à travers l’Europe un champ de bataille pacifique, doivent augmenter l’action des influences morales. Le résultat des voies de communications nouvelles sera de remplacer les conquêtes par des alliances. La loi qui présidait aux unes présidera nécessairement aux autres. La force d’assimilation des races se trouvera plus que doublée par les fréquens rapports qu’elles auront entre elles ; mais nous ne croyons pas que cette force agisse jamais en sens inverse de son principe. Il existe à certaines alliances des obstacles que les chemins de fer eux-mêmes n’effaceront pas aisément. Un système de voies de communications à vapeur, fondé sur les rapports naturels des races, serait le seul profitable aux intérêts de l’unité européenne.

L’entrelacement des rameaux détachés à l’origine des montagnes de l’Asie rend fort difficile, chez les peuples modernes, la distinction de leurs caractères. Nous voyons pourtant encore se dessiner assez bien les principaux contours des races dans la configuration des grands états. A l’orient de l’Europe, parmi les glaces qui le couronnent, se