l’a retirée. Des esprits sages ont exposé à la tribune le système qui consisterait à dégrever la partie intellectuelle de la presse, pour faire retomber sur la partie industrielle le poids de l’impôt. Nous croyons que ce système fera des progrès dans l’esprit de la chambre, dès que la question sera dégagée des nuages qui la recouvrent encore, et que la main du pouvoir n’ose déchirer. Depuis cette discussion, plusieurs propositions nouvelles ont vu le jour au Palais-Bourbon. Deux honorables députés proposent d’exclure de la chambre tous les membres intéressés dans des marchés conclus avec l’état. Un autre propose l’adjonction des capacités ; un autre, la translation de l’élection au chef-lieu. Cette fièvre de propositions est un symptôme malheureusement trop évident de la faiblesse du pouvoir. Quand le pouvoir s’efface, la chambre, comme on dit, se passe ses fantaisies. Du reste, il est temps que la chambre s’arrête dans ce débordement de l’initiative parlementaire. Le ministère ne redoute pas en ce moment le nombre des propositions. C’est son intérêt qu’il y en ait beaucoup, et surtout de mauvaises. Nous serions surpris qu’on allât ainsi au-devant de ses désirs, sans y être forcé.
La chambre des pairs discute depuis plusieurs jours la proposition de M. le comte Daru, tendant à réprimer l’agiotage des chemins de fer. Cette matière difficile, hérissée d’obstacles, a été profondément étudiée par la noble chambre. Cependant, il est facile déjà de le prévoir, l’œuvre qui sortira de ses mains n’aura pas un caractère définitif. Dans quelles limites peut-on renfermer les spéculations de la Bourse ? M. le comte d’Argout répond que les seules limites à leur opposer sont celles que le code de commerce et le code pénal ont fixées. Nous vivons sous la liberté du commerce et de l’industrie ; nous voulons favoriser l’esprit d’association ; nous voulons des chemins de fer exécutés par des compagnies, et l’on viendrait, par une foule d’entraves, arrêter l’essor de l’industrie, immobiliser ses capitaux, fermer la source qui la vivifie et la féconde ! M. le comte d’Argout n’admet pas ce système. Il le repousse comme un anachronisme. Il veut une liberté illimitée, absolue. La Bourse est un jeu, mais ce jeu remue le monde ; il faut laisser à l’esprit de spéculation toute son indépendance, sauf l’action réservée par la loi à nos tribunaux. M. le comte d’Argout a soutenu cette doctrine avec la vivacité spirituelle qu’on lui connaît. Il a captivé la noble chambre, mais il n’a pu entraîner ses convictions. La chambre des pairs a pensé qu’elle devait au pays autre chose qu’une démonstration contre les manœuvres coupables dont la Bourse est le théâtre ; elle a voulu faire une loi. Deux systèmes étaient en présence, celui de M. Daru et celui de la commission. Le système de M. Daru consistait, comme on sait, à interdire les listes de souscriptions avant la formation légale des compagnies : c’était le système préventif ; il a été écarté, comme une atteinte mortelle à la concurrence. Le système de la commission était le système répressif : il consistait à interdire, sous des peines sévères, la négociation des récépissés délivrés aux souscripteurs. Après une discussion fort longue, la chambre s’est rangée à ce système, qui soulève, dans plusieurs de ses dispositions, des difficultés dont la solution embarrasse encore les meilleurs esprits.