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de victoires et de conquêtes. On remarqua de bonne heure dans le jeune Pitt un caractère sérieux et réfléchi. A peine âgé de sept ans, lorsque lord Chatham fut appelé à la pairie, on l’entendit se féliciter de ce que, son frère aîné devant, par le droit de sa naissance, siéger à la chambre haute, il pourrait lui-même, comme l’avait fait son père, défendre dans la chambre des communes les intérêts de son pays.

Il fut élevé dans la maison paternelle sous les yeux du docteur Wilson, qu’il récompensa plus tard par un canonicat de Windsor. Bien que sa santé délicate l’obligeât quelquefois à interrompre ses études, il fit de brillans et rapides progrès dans les diverses branches de l’enseignement, surtout dans la connaissance des langues et des littératures anciennes. La correspondance de lord Chatham contient des traces nombreuses de la sollicitude tendre et éclairée avec laquelle ce grand homme surveillait l’éducation d’un fils dont les facultés précoces remplissaient son cœur d’espérance et de joie. Il se plaisait à les développer en l’encourageant à s’exprimer librement sur toutes les questions débattues en sa présence, en l’obligeant ainsi à raisonner, à mûrir ses opinions.

A l’âge de quatorze ans, on l’envoya à l’université de Cambridge, où il fut placé sous la direction du docteur Prettyman, depuis évêque de Lincoln. Il y passa plusieurs années, et s’y fit remarquer par la régularité de sa conduite autant que par son application soutenue et par ses succès. Il n’avait pas encore atteint sa dix-neuvième année lorsqu’il perdit son père, qui ne lui laissa qu’une fortune très médiocre. Il parut d’abord vouloir embrasser la carrière du barreau, et, pendant toute une session, on le vit suivre avec beaucoup d’assiduité les assises du district de l’ouest. Un plaidoyer qu’il prononça à cette époque excita l’admiration de l’illustre lord Mansfeld, qui la lui exprima en termes très chaleureux.

Soit que Pitt n’eût fréquenté le barreau que pour se mieux préparer à la carrière où l’appelait son propre penchant non moins que les traditions paternelles, soit qu’il s’en fût promptement dégoûté, il se livra bientôt exclusivement aux chances de l’existence parlementaire. Depuis quelque temps déjà, il assistait régulièrement aux débats des deux chambres, étudiant, dans le langage des principaux orateurs, l’art de la composition et les moyens d’agir sur l’auditoire ; il faisait aussi partie d’une réunion où un grand nombre de jeunes gens, qui devaient plus tard jouer un rôle considérable, s’essayaient à l’usage de la parole, et déjà il avait su conquérir parmi eux cette supériorité non contestée qu’il conserva sur un autre théâtre. Wilberforce,