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qu’un dieu, se nourrit du corps d’un homme. Tout cela n’annonce pas un attachement bien vif à la religion de Zoroastre. Son indifférence à cet égard se montre encore dans son entêtement à épouser ses deux sœurs, d’après l’usage des Égyptiens, contre les prescriptions de la loi civile et religieuse de son pays. On voit qu’il mettait, sans hésiter, ses caprices avant toute loi divine et humaine.

Enfin, Hérodote ne nous laisse pas ignorer un fait important, c’est que Cambyse ne dédaigna pas de consulter l’oracle de Buto, qui lui prédit qu’il mourrait à Agbatane.

Ce dernier fait en laisse soupçonner d’autres du même genre ; il montre que Cambyse ne fut pas aussi éloigné qu’on le croit de la religion égyptienne, et il nous explique encore une circonstance des plu curieuses, qui est révélée par un monument du musée grégorien, à Rome. Ce monument, déjà cité par Rosellini[1], et Champollion[2] qui en a traduit quelques phrases, mais non les principales pour mon sujet, a été étudié avec soin l’an dernier par M. Ampère ; qui en copié toutes les inscriptions et traduit tout ce que l’on peut en entendre à présent. C’est une de ces figures agenouillées portant devant elles une espèce d’édicule, et qu’on appelle ordinairement figures naophores. Le personnage représenté est un dignitaire qui, entre autres titres, prend ceux de scribe et de prêtre, charges qu’il exerça sous les règnes de Amasis, de Psammacherites (le Psamménite d’Hérodote) et de Cambyse. Dans une partie des légendes qui peut être traduite mot à mot avec certitude, il est dit « . que Cambyse est venu dans Saïs à la demeure divine de Neith. Comme ont fait tous les rois, il a présenté une riche offrande à Neith, divine mère des dieux principaux de Saïs. Il a fait toutes les cérémonies, il a institué la célébration des libations au seigneur de l’éternité dans le temple de Neith, comme les rois auparavant, etc. »

« Voilà donc, dit M. Ampère, un prêtre égyptien qui nous représente Cambyse un peu autrement qu’on ne se figure le meurtrier d’Apis. »

Ce renseignement m’était inconnu, lorsque je lisais ce mémoire à l’Académie. C’est M. Ampère qui me l’a indiqué, comme étant la confirmation des vues que j’avais tirées uniquement des témoignages historiques. Ce fait si curieux peut s’expliquer par la distinction que je viens de faire entre les deux époques du règne de Cambyse. Il doit être

  1. Monumenti storici, t. II, p. 153.
  2. Grammaire égyptienne, p. 500 et 501.