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et dans les leçons de l’expérience. Le bill fut adopté à la majorité ide 271 voix contre 60 ; à la chambre des lords, la majorité fut encore plus considérable. Les heureux effets qu’il produisit prouvèrent que Pitt ne s’était pas trompé dans ses calculs : les abus qu’on avait voulu atteindre disparurent en très grande partie, et l’on ne vit pas se produire ceux qu’on disait devoir sortir du remède employé pour guérir le mal existant.

Déjà, sous la main habile de Pitt, sous la salutaire influence de la paix extérieure et de l’affermissement de l’administration, la situation du pays s’améliorait visiblement. Le commerce rentrait dans ses anciennes voies, et prenait de rapides accroissemens ; la richesse publique faisait des progrès ; les impôts, dont on venait de perfectionner les bases et le mode de perception, donnaient des produits plus considérables. Dans le cours de la session suivante, celle de 1785, Pitt put annoncer que le déficit était réduit à un million sterling, auquel on pourvut par un emprunt fait à la banque à des conditions très favorables et par quelques taxes nouvelles. Pitt s’efforça de consolider cette prospérité naissante par de prudentes économies, et donna le rare exemple d’un ministre engageant lui-même la représentation nationale dans la voie de la réduction des dépenses.

L’opposition, déconcertée par ces résultats si prompts et si complets, essayait d’en contester la réalité ; mais toutes ses motions étaient invariablement écartées. Fox, humilié et exaspéré, ne pouvait contenir son dépit. Un jour qu’il s’efforçait d’effrayer la chambre sur la situation de la compagnie des Indes, et qu’il accusait les directeurs d’avoir trompé le parlement en lui présentant, à l’instigation du chancelier de l’échiquier, un exposé mensonger, il crut s’apercevoir que ses paroles excitaient le rire dédaigneux de Pitt. Il se plaignit d’être traité par le ministre avec une indécence qui d’ailleurs, ajouta-t-il, ne lui inspirait que de l’indifférence et du mépris. Pitt répondit à cette violente apostrophe par des sarcasmes dont la froide cruauté n’a peut-être jamais été surpassée. « Lorsque je considère, dit-il, l’extrême convenance qui a distingué de tout temps l’argumentation de l’honorable préopinant, le calme, la modération, la mesure accomplie de son langage, je reconnais qu’il serait parfaitement fondé à se plaindre dans le cas où on se permettrait envers lui la plus légère apparence d’un manque d’égards et de respect. Bien éloigné, pour ma part, de vouloir me rendre coupable d’un si complet oubli des lois de la bonne éducation, je suis tout disposé en cette circonstance à faire ce que j’ai fait rarement jusqu’à présent, ce que probablement je ferai rarement à