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s’était montrée d’abord la plus empressée à combattre la révolution française. La Russie, d’un autre côté, tout en se déclarant son ardente ennemie, tout en excitant contre elle les autres gouvernemens, s’abstenait de prendre part à la lutte et profitait des préoccupations auxquelles elle poussait ces gouvernemens pour opprimer de plus en plus la Pologne ; mais l’empire germanique avait pris parti pour soli chef : la Prusse, que la France s’était vainement efforcée de séduire, envoyait des forces considérables au secours des impériaux ; d’autres gouvernemens n’attendaient qu’un moment favorable pour entrer, contre l’ennemi commun des trônes et des vieilles institutions, dans une alliance qui avait toutes leurs sympathies.

Le cabinet français avait pensé qu’en Angleterre au moins, dans cette terre de liberté, sa cause rencontrerait plus de faveur. C’était oublier que l’aristocratie éprouve pour les principes démocratiques une aversion plus profonde encore, s’il est possible, que celle qu’ils, inspirent au pouvoir absolu. Quoi qu’il en soit, une ambassade, dirigée en apparence par le jeune Chauvelin, mais dont M. de Talleyrand était l’ame, avait été envoyée à Londres. Elle s’y trouva dans une, position bien difficile. Les hommes qui la composaient, considérés moins comme les représentans d’un gouvernement encore monarchique de nom que comme les émissaires du jacobinisme, se virent réduits à un isolement presque complet. Le ministère les traita avec une extrême froideur. Pitt, dans les entretiens qu’il eut avec M. de Talleyrand, affecta de ne pas lui parler de l’époque où il l’avait connu intimement à Reims, chez son oncle l’archevêque ; M. de Talleyrand avait trop de tact et de goût pour en rappeler lui-même le souvenir. Lord Grenville, secrétaire d’état des affaires étrangères, ne témoigna, pas plus d’empressement à M. de Chauvelin, qui, moins expérimenté et moins adroit que l’ancien évêque d’Autun, ne sut pas toujours, assez ménager la dignité de son rang officiel. Les communications écrites que l’ambassadeur et le secrétaire d’état échangèrent ensemble ne purent laisser aucun doute sur l’inutilité des avances du gouvernement français. La demande faite par lui de la médiation du cabinet de Londres fut, repoussée sous un prétexte peu spécieux « L’Angleterre, disait lord Grenville, aurait manqué, par cette interposition, au principe qui l’avait empêché de s’immiscer dans les affaires intérieures de la France. »

On ne pouvait rester long-temps dans une pareille situation. Une crise était imminente ; elle éclata enfin. La journée du 10 août renversa le trône de Louis XVI, accusé de connivence avec les étrangers. La convention nationale, élue au milieu des massacres, sous la double