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d’activité ; mais, deux ou trois siècles après, on le perd de vue. — Adieu. — Ne pensez pas qu’il y ait rien de changé dans mon attachement et mon estime pour vous. »


Villers, dans cette discussion, n’était pas en reste, on le voit, de raisons plausibles : il avait vu de près l’Allemagne, et, s’il en était très préoccupé comme de ce qu’on sait bien, il avait, pour appuyer ses conclusions favorables, une série de faits positifs. Fauriel se tenait au point de vue plus général et plus philosophique ; Villers entrait davantage dans la donnée protestante et la croyait fertile en résultats, de tout genre, comme elle l’a été en effet au-delà du Rhin. Il avait été très frappé de la force des études religieuses, et de ce que produisait de lumières historiques cette critique circonscrite et profonde, appliquée aux textes sacrés. C’est en ce sens qu’il attribuait à l’orientalisme biblique des théologiens protestans plus de portée et plus d’effet que Fauriel n’avait consenti d’abord à en reconnaître :


« Dévoiler par la plus savante critique les secrets de l’histoire, de la chronologie, de la culture, de l’état politique, moral, religieux, des peuples et des lieux où s’est passée la scène des évènemens de l’Ancien Testament, voilà, lui disait Villers, la tâche qu’ils ont rempile, et qui est un peu plus intéressante que vous ne semblez le croire. Vous en penseriez, sans nul doute, autrement si vous aviez, par exemple, sous les yeux l’Introduction à l’Étude de l’Ancien Testament, par Michaëlis de Gottingue, ou les travaux d’Eichhorn le même objet, ou les dix volumes de sa Bibliothèque orientale, ou que vous eussiez assisté à un cours de critique sur Jérémie par le vieux Schnurrer de Tubingue… »


Viliers était initié à cette forme de doctrine et à cette méthode d’outre-Rhin qui, pour arriver à des résultats purement philosophiques, tels que les a vus sortir notre siècle, devait passer graduellement par les lentes stations d’une exégèse successive ; il appréciait ce mélange indéfinissable de rationalisme et de foi, de hardiesse scientifique et de réserve sincère, qui s’est maintenue si long-temps en équilibre dans ces têtes pensantes, qui n’aurait pas subsisté un quart d’heure chez nous, et dont l’exemple le plus élevé s’est rencontré avec une admirable mesure dans la personne de Schleiermacher.

Fauriel, dans cette discussion avec Villers, reprend d’ailleurs ses avantages par la justesse et la précision des critiques qu’il dirige aux endroits essentiels. En même temps nous le saisissons bien exactement dans son progrès d’esprit, dans sa marche propre, tenant encore par ses racines au XVIIIe siècle, et lui qui va devenir si historique de méthode, et qui l’est déjà, nous le surprenons quelque peu idéologue