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jurisprudence et quelques traductions du grec ; mais, étranger aux mathématiques, il n’aurait pas voulu, sans le secours d’un géomètre, se faire l’éditeur des œuvres de Fermat. D’ailleurs, nous l’avons dit, ces œuvres n’étaient pas en sa possession. Il paraît que ce qu’il trouva de plus intéressant dans le cabinet de son père, ce fut un exemplaire de l’édition donnée en 1621 par Bachet de l’ouvrage de Diophante. À la marge de ce livre, qui est un volume in-folio, Fermat avait écrit quelques observations et l’énoncé de plusieurs théorèmes sur la théorie des nombres. Lagrange, qui s’y connaissait, affirme que ces annotations renferment la partie la plus précieuse des écrits de Fermat qui nous soit parvenue. Samuel Fermat comprit toute l’importance de ces notes marginales, et s’entendit avec le père Billy, habile mathématicien, pour donner une nouvelle édition de Diophante, enrichie de ces annotations. Cette édition parut à Toulouse en 1670, et le père Billy, qui était en correspondance avec Fermat, y ajouta un extrait fort intéressant des lettres scientifiques que ce grand géomètre lui avait adressées. On doit regretter qu’à la place de cet extrait, que Billy appelle Inventum novum, ce savant jésuite n’ait pas publié intégralement les lettres de Fermat. Toutefois, en comparant une lettre autographe de Fermat au père Billy, qui existe encore à la Bibliothèque royale de Paris, avec l’extrait correspondant inséré dans l’Inventum novum, on peut se convaincre que Billy a reproduit fidèlement les idées de l’auteur. Cet abrégé d’une seule correspondance contient trente-six pages in-folio, et l’on y trouve des méthodes de Fermat qu’on chercherait vainement ailleurs. Il donne une idée de tout ce que devaient renfermer les lettres que Fermat adressait si fréquemment à ses amis.

C’est à la marge de la huitième question du second livre de l’ouvrage de Diophante que Fermat avait énoncé cette proposition négative que nous avons citée, et dont on n’a pas encore pu retrouver la démonstration générale. Sans nul doute, Fermat possédait cette démonstration, qui était, à ce qu’il paraît, d’un genre singulier, car, après l’énoncé du théorème, il ajoute : « J’en ai découvert une démonstration admirable, mais il y a trop peu de marge pour que je puisse la donner ici… (hanc marginis exiguitas non caperet). » Ce fait seul justifie les bibliophiles qui recherchent les exemplaires grands de marge. Si le Diophante que possédait Fermat avait été non rogné, peut-être ce grand géomètre aurait-il pu à cet endroit, comme il l’a fait ailleurs, esquisser rapidement une démonstration qu’il est si difficile de retrouver. Ceux qui ont vu à la bibliothèque de Bordeaux