Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/704

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cette proposition, qui honore les savans anglais auxquels l’illustre magistrat de Toulouse avait souvent montré sa supériorité, ne fut pas acceptée, et Samuel Fermat prit enfin le parti de se faire l’éditeur des ouvrages mathématiques de son père ; mais alors se présenta un autre genre de difficultés. Plusieurs années s’étaient écoulées depuis la mort de Fermat, et les personnes auxquelles il avait communiqué ses écrits les plus remarquables n’existaient plus : Mersenne, Pascal et Descartes étaient morts avant lui ; Midorge, Petit, Frenicle, avaient aussi cessé de vivre, et leurs papiers étaient dispersés. Avant de mourir, Roberval s’était emparé d’une partie de la correspondance du père Mersenne, et Picard s’était laissé prendre beaucoup de lettres de Fermat. Justel nous apprend que ces mêmes savans, qui ne faisaient rien pour que le nom de Fermat passât à la postérité, refusaient de communiquer les lettres qu’il leur avait adressées, sous prétexte qu’elles étaient trop précieuses. Il paraît que Thoinard seul mit avec empressement à la disposition du fils tous les écrits de Fermat qu’il possédait. Thoinard, qui est peu connu aujourd’hui, était un des hommes les plus savans du XVIIe siècle avec Leibnitz et avec Locke, il a laissé une correspondance précieuse dont la partie la plus intéressante est actuellement entre les mains de M. Brunel, le célèbre bibliographe. Si nous sommes bien informé, cette correspondance ne contient aucun écrit de Fermat.

Malgré toutes ces difficultés, Samuel Fermat fit paraître à Toulouse, en 1679, un volume in-folio intitulé Opera varia, qui renferme plusieurs traités géométriques, et un certain nombre de lettres scientifiques adressées à Fermat ou écrites par lui. Parmi ces lettres, il y en a quelques-unes de Pascal, de Roberval et de Descartes. On ignore pourquoi Samuel Fermat, qui a reproduit dans ce volume des pièces déjà publiées précédemment, n’y a inséré ni le Commercium epistolicum, publié par Wallis en Angleterre, ni les lettres qui avaient paru dans la correspondance de Descartes. Quelques vers latins placés à la fin du volume font regretter les vers français et espagnols dont l’article nécrologique si souvent cité du Journal des Savans parle avec tant d’éloge. En 1665, on se connaissait en beaux vers à Paris, et nous voudrions pouvoir être à même d’apprécier cette délicatesse d’esprit, cette élégance, qui caractérisaient, à ce qu’on assure, les poésies de ce génie si profond et si souple à la fois.

Ce n’est donc pas, comme on l’a dit souvent, la négligence de Samuel Fermat qui nous a privés des plus belles découvertes de son père. Si, après la mort de ce grand homme, les savans se fussent