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contre les attaques des conspirateurs, les dangers extérieurs s’aggravaient. Les résultats de la précédente campagne avaient jeté les alliés continentaux de l’Angleterre dans un grand découragement. La Prusse, n’ayant pu obtenir des états de l’empire les subsides dont elle prétendait avoir besoin pour entretenir l’armée qu’elle avait sur le Rhin, déclara que ses propres ressources ne lui permettaient pas de pourvoir plus long-temps à un armement maintenu jusqu’alors pour la défense commune, et qu’elle allait rappeler cette armée, à l’exception d’un corps de 20,000 hommes que des engagemens particuliers : l’obligeaient à fournir à l’empereur. L’Angleterre et la Hollande, effrayées des conséquences de ce rappel qui eût permis aux Français de diriger presque toutes leurs forces sur les Pays-Bas, se hâtèrent d’ouvrir une négociation avec la cour de Berlin pour l’empêcher de donner suite à son projet. Un traité fut conclu à La Haye par lequel la Prusse, moyennant un subside annuel de 1,800,000 livres sterling, laissait 62,000 hommes à la disposition des deux cours. Ce traité, soumis à l’approbation du parlement, fut vivement attaqué. L’opposition trouvait qu’il était absurde de payer au roi de Prusse une somme exorbitante pour l’engager à défendre ses propres intérêts. Pitt répondit qu’il y avait tout à la fois économie et bonne politique à s’assurer le concours de troupes étrangères déjà aguerries, au prix d’un subside dont la somme n’eût pas même suffi à lever et à faire subsister un nombre égal de nouvelles recrues. La majorité accoutumée ratifia l’engagement pris envers la Prusse.

Les argumens que Pitt avait employés pour le justifier supposaient qu’on pouvait compter sur la coopération active de ces auxiliaires si chèrement acquis. On reconnut bientôt qu’il n’en était pas ainsi. Les Prussiens conservèrent, à la vérité, les positions qu’ils étaient sur le point de quitter, mais ils y restèrent immobiles, et, sous les plus vains prétextes, ils se refusèrent opiniâtrement à prendre la moindre part aux opérations militaires dont les Pays-Bas étaient alors le théâtre. Au bout de quelques mois, l’Angleterre et la Hollande, considérant le traité de La Haye comme annulé par une semblable conduite, cessèrent de payer le subside dont on était convenu. Parmi les causes de cette étrange inaction de l’armée prussienne, il faut compter les évènemens qui venaient de s’accomplir en Pologne. Kosciuszko, appelant aux armes une nation indignée des perfidies et des violences qui lui avaient ravi, avec sa liberté, la moitié de son territoire, était parvenu à la soulever contre ses oppresseurs. Il avait chassé les Russes de Varsovie et forcé ensuite le roi de Prusse en personne à lever le siège de