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mis en doute sa sincérité actuelle, et exigé l’ouverture immédiate de la négociation. Peu de semaines après, aucune manifestation publique n’étant venue attester l’accomplissement des intentions annoncées par le message, Grey et Fox invitèrent la chambre à porter au pied du trône une nouvelle adresse pour demander qu’on entrât, sans plus tarder, en communication avec le gouvernement français. Pitt représenta que ce serait empiéter sur les prérogatives constitutionnelles de la couronne et rendre plus difficile une paix dont on se montrerait si désireux. Il donna d’ailleurs à entendre que des démarches avaient été faites, et que si la France voulait sincèrement la paix, un arrangement serait bientôt signé. L’opposition fut encore vaincue.

C’est à Bâle que la Prusse et l’Espagne avaient traité avec la France, parce que le comité de salut public avait toujours entretenu un ambassadeur en Suisse à l’époque même où il avait cessé d’être en relations avec tous les autres pays de l’Europe. C’est encore à Bâle qu’eurent lieu les premières ouvertures pour un rapprochement entre la France et l’Angleterre. L’envoyé britannique auprès de la confédération, Wickham, fut chargé de demander à l’envoyé français, Barthélemy, si le directoire était disposé à négocier avec l’Angleterre et ses alliés pour arriver, au moyen d’un congrès, au rétablissement de la paix, s’il voulait faire connaître les bases générales auxquelles il donnerait son consentement, et, dans le cas où ce mode de négociation ne lui conviendrait pas, s’il en avait quelque autre à proposer. Après un délai de trois semaines, Barthélemy répondit, au nom de son gouvernement, que le directoire formait des vœux ardens pour une paix juste, honorable et solide, mais que, l’envoyé britannique ayant déclaré lui-même n’avoir pas les pouvoirs nécessaires pour en traiter, la sincérité des dispositions pacifiques dont on l’avait rendu l’interprète pouvait, à bon droit, être mise en doute, qu’un congrès ne devant évidemment conduire à aucun résultat, c’était faire preuve de peu de bonne foi que de le proposer, que le directoire, aux termes de la constitution, ne pouvait aliéner aucune portion du territoire de la république, qu’il n’était donc pas libre de restituer ceux des pays conquis qui, comme la Belgique, avaient déjà été réunis constitutionnellement à ce territoire, et qu’il n’écouterait aucune proposition à ce sujet, mais que, quant aux autres conquêtes de la France, elles pourraient devenir l’objet d’une transaction. Une telle déclaration ne permettait pas que les choses allassent plus loin. Le cabinet de Londres répliqua que la France, lorsqu’elle serait revenue à des sentimens plus concilians, le trouverait toujours prêt à en accueillir la manifestation.