Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/887

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par une médiation armée pour sauver l’intégrité de l’empire germanique, et ne pouvait réveiller de son apathique égoïsme un cabinet moins préoccupé du salut de l’empire que de la pensée de s’approprier une bonne part dans ses dépouilles. Lorsque tout semblait perdu pour les coalisés, un guerrier, plus jeune encore que le conquérant de l’Italie, sauva l’Allemagne par une de ces inspirations qui n’appartiennent qu’aux grands capitaines : l’archiduc Charles, se portant successivement avec la plus grande partie de ses forces contre les deux généraux français qu’il réduisit ainsi à un état d’infériorité relative, battit deux fois Jourdan, le ramena en désordre jusqu’à Dusseldorff, força Moreau à opérer sa fameuse retraite, et rendit à l’Allemagne la barrière du Rhin.

Sur mer, cette campagne fut marquée pour les Anglais par d’assez grands succès, mais aussi par quelques revers : ils s’emparèrent des îles françaises de Sainte-Lucie, de Saint-Vincent, de la Grenade, et des établissemens hollandais de la Guyane ; ils capturèrent auprès du Cap une escadre hollandaise chargée de deux mille soldats ; mais à Saint-Domingue, dont ils tentèrent de nouveau la conquête, ils échouèrent contre les ravages de la fièvre jaune et la vigoureuse résistance du noir Toussaint-Louverture ; à Terre-Neuve, une escadre française leur enleva beaucoup de navires de commerce et de marchandises ; la Corse, où le parti français s’était ranimé au bruit des victoires de Bonaparte, secoua le joug britannique, et se replaça sous la domination de la France.

Dans le même temps, par un revirement bien étrange, le roi d’Espagne, un Bourbon, un cousin de Louis XVI, contractait avec le directoire français un traité d’alliance offensive et défensive, et déclarait la guerre à la Grande-Bretagne. L’Espagne possédait encore une puissante marine ; on pouvait croire qu’en l’unissant aux marines de la France et de la Hollande, elle rétablirait sur les mers une sorte d’équilibre. Les escadres anglaises se virent ainsi exclues en quelque sorte de la Méditerranée, où l’Italie et l’Espagne, soumises à l’influence française, ne leur offraient plus de points de refuge et de ravitaillement. Sur l’Océan même, depuis Gibraltar jusqu’à l’extrémité septentrionale des Provinces-Unies, elles ne trouvaient plus, à l’exception du Portugal, que des rivages hostiles. Sur toute cette vaste étendue de côtes, la France et ses alliés avaient prohibé l’introduction des marchandises anglaises, pensant avec raison qu’attaquer le commerce de la Grande-Bretagne, c’était attaquer le principe de sa puissance. Les choses en étaient venues au point que la France, exaltée