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de Londres. Seulement, il ne voulut pas que les conférences fussent reprises à Paris : c’est à Lille que ses délégués allèrent s’aboucher avec lord Malmesbury, choisi de nouveau pour plénipotentiaire du gouvernement anglais.

Cette fois, l’Angleterre n’avait plus à s’occuper des intérêts de l’Autriche, qui en traitait directement avec la France. Lord Malmesbury, acceptant implicitement comme des faits accomplis les conquêtes de la France en Belgique, en Allemagne, en Savoie, et les changemens que Bonaparte avait opérés en Italie, offrit de plus la restitution,des colonies françaises conquises par les armes de la Grande-Bretagne, sans aucune exception, mais il demanda, à titre de compensation pour son gouvernement, la cession de quelques-unes des possessions d’outre-mer qu’il avait enlevées à l’Espagne et à la Hollande, alliées de la France, la Trinité, le Cap, Trinquemale, Ceylan, la ville et le fort de Cochin ; il demanda aussi qu’une indemnité fût accordée au prince d’Orange, et que le Portugal, brouillé avec la cour de Madrid et le directoire à cause de son attachement à l’Angleterre, fût compris dans le traité. Non seulement le directoire refusa de consentir aux cessions territoriales qu’on voulait exiger de ses alliés, mais il énonça la prétention que l’Angleterre lui rendit les vaisseaux de guerre pris à Toulon, l’indemnisât de ceux qui y avaient été brûlés, et renonçât de plus au remboursement d’une dette dont les provinces belges étaient grevées envers elle ; il demanda aussi que les rois d’Angleterre abandonnassent le titre de rois de France qu’ils portaient depuis Édouard III. Lord Malmesbury repoussa ces exigences avec fermeté, mais en évitant néanmoins ce qui eût pu donner lieu à une rupture. Les pourparlers traînèrent en longueur. A côté de la négociation officielle, une négociation confidentielle s’ouvrit entre le plénipotentiaire anglais et l’un des plénipotentiaires français, Maret, qui représentait plus particulièrement la portion pacifique du directoire. Bien que lord Grenville semblât se plaire, par la raideur de ses instructions, à multiplier les obstacles que Pitt et lord Malmesbury s’efforçaient d’aplanir, bien qu’il eût déclaré qu’il donnerait sa démission plutôt que de céder sur aucune des demandes formées par l’Angleterre, tout annonçait qu’on arriverait à une heureuse solution, parce que, de part et d’autre, on avait besoin de la paix. Déjà le gouvernement français faisait, auprès de l’Espagne et de la Hollande, les démarches nécessaires pour les décider à quelques sacrifices et se dégager ainsi de la promesse qu’il avait faite de maintenir l’intégrité de leurs possessions. Pitt, de son côté, était décidé, au risque de se