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remise à l’Autriche avant que les troupes du directoire eussent pris possession de Mayence, dont elles n’avaient pu encore s’emparer. Peu de semaines après, cette dernière condition était accomplie : Mayence, livré à lui-même par les Autrichiens, avait ouvert ses portes aux soldats de la république, et Venise avait passé sous la domination autrichienne. Tel fut le traité de Campo-Formio, monument de la plus odieuse perfidie. Le cabinet de Vienne n’eut pas honte de s’indemniser de ses pertes par la ruine d’un état qui s’était attiré le ressentiment de la France en secondant les efforts de l’Autriche pendant la précédente campagne, et d’acheter Venise en consentant clandestinement au démembrement de l’empire dont il était le protecteur officiel. Quant au gouvernement français, qui, peu de mois auparavant, avait accordé la paix à la république vénitienne en y fondant un régime démocratique, sa conduite n’était guère moins déloyale que celle du gouvernement autrichien. L’Angleterre s’était vainement efforcée d’empêcher la cour de Vienne de conclure la paix en lui offrant des subsides considérables.

La session du parlement s’ouvrit presque aussitôt après le 2 novembre 1797. Le discours du trône déclara que le roi avait toujours le plus vif désir d’une pacification, et appela la chambre à examiner les documens qui justifiaient, dans toute cette affaire, la conduite du cabinet. Un discours éloquent et animé de Pitt mit en contraste avec les dispositions conciliantes et avec la loyauté dont le gouvernement britannique n’avait cessé, suivant lui, de faire preuve, la duplicité et les exigences iniques d’un ennemi implacable. Des adresses conçues dans un sens de complète approbation, et qui promettaient le concours des deux chambres, furent votées avec d’autant plus d’empressement que Fox et ses amis se tenaient toujours éloignés du parlement. Tierney, élu tout récemment membre de la chambre des communes, y représentait presque seul l’opposition. En se retirant ainsi au milieu des plus grands dangers publics, lorsque les refus arrogans de la France semblaient appeler tous les bons citoyens à oublier leurs dissentimens et à unir leurs efforts pour sauver la patrie, les adversaires de Pitt se firent un tort réel dans l’opinion.

Les opérations de la guerre se trouvant désormais resserrées dans un champ plus étroit, on avait réduit les forces de terre et de mer. Néanmoins il s’en fallait encore de beaucoup qu’on pût les entretenir avec les ressources ordinaires, et il était à craindre qu’en continuant à recourir au crédit, on ne finît par l’épuiser. Pitt crut que, sans renoncer aux emprunts, il fallait les combiner avec d’autres moyens financiers. Il proposa à la chambre des communes un système tout