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tristes ces styles qui se ressemblent ! Ils passent devant nous comme des ombres, qui toutes ont la même couleur, car elles n’en ont pas. Du temps d’Horace Walpole, cette analogie du moule, cette formule universelle, ce convenu de l’expression, existaient déjà, et rien n’est plus commun dans les pays populaires ; on a peur d’offenser les autres en se montrant original ; le dernier degré du lieu-commun règne aux États-Unis, et il me paraît que nous approchons de ce grand modèle. Presque tout le monde aujourd’hui écrit de même encre, comme si toutes les ames et tous les esprits étaient au même niveau, comme si la partie officielle du Moniteur était le beau type du style. A la bonne heure ! Horace Walpole, n’étant pas de son siècle, a l’avantage de ne pas imiter la phrase étirée de Mallet, Hawkesworth, Thomson et même Chesterfield. Il n’est pas fleuri à outrance, comme Burke ; il ne danse pas la sarabande des idées, comme Sterne. Non, c’est son style ; il est clair, rapide, limpide.

J’ai assez nettement indiqué les mérites et les lacunes de ces mémoires ; les vues d’ensemble ne s’y trouvent pas, et la moralité n’en est pas assez élevée ni assez sévère ; le souvenir de Robert Walpole inspire à son fils un dénigrement universel dont il faut repousser l’influence. Horace se révolte contre les infamies et les puérilités du temps où il vit, sans se rendre un compte assez juste de ce que le mouvement général a de grandiose. Il ne se souvient pas qu’il y a plusieurs manières d’envisager la politique : ou transformer les hommes et les diriger vers un idéal de vertu, ce que le législateur de Sparte et la plupart des directeurs de monastères ont essayé, ou les accepter tels que Dieu les a faits, et de cet amas de vices, de crimes, de fautes, de folies, forcer la grandeur et le pouvoir d’un peuple de jaillir spontanément. Après l’échafaud de Charles Ier et les bassesses de Charles II, il s’était accumulé dans la nation anglaise un résidu énorme de cruautés et de perfidies ; le dégoût avait suivi l’orgie ; comme le principe énergique subsistait, la nation marchait à la grandeur à travers ses propres vices.

C’est là l’histoire bizarre des parlemens anglais, entre 1682 et 1790, sous Guillaume III, si tumultueux, si inquiets, si misérablement lâches, des parlemens corrompus de la reine Anne et des Georges. Il était naturel qu’un esprit délicat eût peu de goût pour ces petitesses et ces turpitudes : on n’aime guère à plonger des mains blanches dans l’huile dont les machines sont enduites, dans la suie et la poussière de l’atelier ; ainsi cependant vont les choses humaines. Que les délicats