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de départ ; ils ont eu recours à l’électricité dont l’instantanéité d’action permettait seule de partager une seconde en fractions infiniment petites et cependant mesurables. Les uns et les autres se sont adressés à la pile de Volta, à cet instrument merveilleux que tout le monde connaît au moins de nom depuis qu’entre les mains de M. de Ruolz il est devenu une baguette magique réalisant les antiques fables, et changeant le plus vil métal en argent, en or, en platine ; mais ici cesse la ressemblance : chacun d’eux a utilisé une propriété différente des courans électriques développés par la pile. MM. Konstantinoff et Bréguet se sont surtout adressés à la mécanique pour construire leur appareil ; celui de M. Pouillet est entièrement emprunté aux principes de la physique.

Au point de vue où s’est placé l’académicien français, la question proposée peut se ramener aux termes suivans : transformer un mouvement excessivement rapide en un autre mouvement assez lent pour être facilement apprécié ; trouver le moyen de mesurer le mouvement ainsi transformé. Voici comment ont été résolues ces deux parties d’un même problème.

On donne en physique le nom de galvanomètre à un instrument composé d’une aiguille aimantée suspendue dans un circuit de fils de cuivre que l’on peut mettre en communication avec les deux pôles d’une pile. Aussitôt que le courant électrique circule autour de cette aiguille, il la force par son influence à quitter sa direction bien connue, et à se diriger de l’est à l’ouest. Un cadran portant des divisions tracées d’avance indique, par le nombre de degrés que parcourt l’aiguille, l’énergie du courant.

Pour des courans de même force agissant dans des temps très courts, le nombre de degrés parcourus par l’aiguille dépend de la durée même des courans. Par conséquent, pour connaître combien de temps a duré un courant passant par le galvanomètre, il suffira de tracer d’avance sur le cadran des divisions correspondantes à des intervalles de temps déterminés. Quelque instantanée que soit l’action exercée par le fluide électrique, l’aiguille marchera avec assez de lenteur pour qu’on puisse mesurer à l’aide d’une simple montre à secondes la durée de son mouvement. M. Pouillet a reconnu qu’un courant électrique parcourt un fil de cuivre de plusieurs mille mètres de longueur en moins de 1/7000 de seconde, et que son action exercée pendant 1/5000 de seconde suffit pour faire parcourir à l’aiguille d’un galvanomètre 15 degrés en 10 secondes. Le mouvement du courant que sa rapidité ne permet pas d’apprécier est donc transformé en un autre mouvement qui dure cinquante mille fois davantage, et que l’on peut facilement mesurer.

Avant d’aller plus loin, rappelons à nos lecteurs un des principaux faits sur lesquels repose l’emploi de la pile. Pour que le courant électrique s’établisse d’un pôle à l’autre de cet instrument, il n’est pas nécessaire que les fils métalliques qui les mettent en communication soient d’une seule pièce. On peut impunément interposer sur ce trajet toute espèce de corps bon conducteur de l’électricité, tels que les métaux, le corps humain, le sol, etc., et former ainsi une espèce de chaîne. Eût-elle plusieurs lieues de long, le courant s’établira