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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/1122

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contact, des propriétés distinctes ; loin de s’exclure, ils s’harmonisent et se complètent. Si d’ailleurs l’on veut à toute force les mettre en présence comme modes de transport rivaux, il n’est pas vrai qu’on doive les placer dans des conditions égales. Que les chemins de fer qui ne servent qu’aux transports couvrent, par le produit des transports, les frais de leur construction et de leur entretien, rien de plus simple, et nous ajouterons rien de plus juste ; mais les canaux, si utiles qu’ils soient comme voies navigables, ont encore un autre caractère plus général, une fonction plus importante et plus haute, et qui appelle un régime tout différent. C’est ce que nous allons essayer d’établir, et nous insisterons d’autant plus sur cette vérité importante, qu’elle a été plus outrageusement méconnue.

Les canaux sont les prolongemens des rivières ; pour mieux dire, ce sont des rivières artificielles, souvent plus utiles d’ailleurs que les autres, parce qu’elles sont plus régulières dans leur tenue d’eau et dans leur cours. Il semble donc que, pour faire bien comprendre l’importance des canaux, il suffirait de demander si l’on croit à l’utilité des rivières, ou en général des voies d’eau. Sur une telle question, l’hésitation n’est guère permise ; pourquoi donc refuser aux rivières creusées de main d’homme la valeur que l’on accorde aux autres ? Parce que ces voies d’eau sont devenues utiles à la navigation, il semble qu’on en ait oublié peu à peu la destination primitive. On ne les désigne plus que sous le nom de voies navigables, et ce nom, qui ne devrait rappeler qu’un service de plus ajouté à tant d’autres, est devenu, ou peu s’en faut, un titre de proscription. Il faudrait se souvenir pourtant qu’en laissant à part l’intérêt de la navigation, qui est aussi respectable, les voies d’eau, de quelque nature qu’elles soient, répondent encore à de pressans besoins.

Tout ce grand appareil hydraulique qui couvre la surface de la terre, et qui se compose d’abord des fleuves, des rivières et des ruisseaux, quelque usage que l’homme en fasse, est avant tout nécessaire, on le comprend, pour répandre sur le sol la fécondité et la vie. Tel en est, s’il est permis de le dire, l’emploi primitif. Avant d’être des voies navigables, les cours d’eau sont des aqueducs pour les hommes et les animaux qu’ils abreuvent, et des moyens d’irrigation pour les campagnes, où ils entretiennent l’humidité, condition nécessaire de la fécondité. S’ils sont utiles en ce qu’ils répandent sur la surface du sol les eaux, source de vie, ils ne le sont pas moins d’ailleurs en ce qu’ils en enlèvent, dans certains cas, le superflu.

Qu’on se représente un instant la terre privée tout à coup de ses