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faits admirer le plus dans cette suite pressée d’incidens, car de toutes parts le prodige ressort des entrailles des faits, comme du diamant la lumière, comme de la pourpre ou de l’or l’éclat éblouissant. Sera-ce, en effet, l’incendie de la flotte ordonné par Cortez afin qu’il faille vaincre ou périr, ou l’audace avec laquelle le conquistador fait prisonnier Montezuma, dans son palais, au milieu de ses gardes, au cœur d’une capitale dévouée à son seigneur ? Décernera-t-on la palme à la campagne contre Narvaez, ou à la bataille d’Otumba, dans laquelle Cortez, réduit à une poignée d’hommes presque démoralisés et sans artillerie, met en déroute les Mexicains enivrés de leurs succès de la noche triste et tue de sa main leur général au moment où il semble perdu lui-même ? Quelle est l’histoire, quel est le roman historique où il se passe une aventure pareille au combat livré sur la plate-forme du grand teocalli, dans lequel on se précipite les uns les autres de cent vingt pieds de hauteur ? Allez plus avant encore dans les détails, vous rencontrez à chaque instant des prouesses romanesques : c’est le saut d’Alvarado, ce sont ces deux jeunes Mexicains qui, dans la mêlée, du sommet de la grande pyramide, se prennent par la main et se ruent de toute leur force sur Cortez afin de le précipiter avec eux de toute cette hauteur, contens de mourir si par leur mort ils achètent celle de l’ennemi de leur patrie et de leurs dieux. Ou bien encore vous avez l’ascension de ces cinq soldats qui vont puiser du soufre dans le cratère du Popocatepetl. Faute de soufre, l’armée va manquer de poudre ; on soupçonne que ce volcan aura une solfatare ou plutôt on en a été informé déjà. Cinq hommes sont détachés pour y aller voir. Ils montent, et Dieu sait ce que c’est que de gravir le Popocatepetl ; depuis eux jusqu’en 1827, personne n’a plus osé le tenter. Après plusieurs jours, ils arrivent à la cime, malgré les laves et la cendre, malgré l’éclat de la neige qui les aveugle, malgré le froid de ces hautes régions. Un gouffre de plus de mille pieds de profondeur, au fond duquel on aperçoit une flamme bleuâtre et d’où s’échappent des vapeurs empestées et brûlantes, se montre enfin ouvert devant eux. Ils tirent aux dés froidement à qui y descendra ; le sort désigne le chef de la petite bande, Montaño ; on le met dans un panier suspendu à une corde, et il se laisse couler dans l’abîme. Parvenu à quatre cents pieds, il fait soigneusement sa récolte de soufre, et revient comme s’il avait fait la chose du monde la plus simple, un tour de promenade dans un des jardins de Séville ou de Cordoue.

Dans ce drame apparaît une variété de caractères fortement dessinés, je ne dirai pas comme ceux de l’Énéide, ce ne serait point assez,