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À quoi bon d’ailleurs, les calculs ? Pourquoi s’égarer dans le dédale des chiffres, pour en tirer laborieusement des inductions suspectes, quand on a devant soi des élémens d’appréciation plus sûrs dans des faits visibles, constans ? Des calculs ! nous n’en demandons pas pour reconnaître et constater le prix effectif du transport sur les canaux ; nous le prendrons tout simplement dans les tarifs de la batellerie. Il nous suffira de distraire de ces tarifs le montant du péage, et comme ce dernier est perçu par des mains différentes, sous le titre de droits de navigation, il nous sera très facile de faire la distinction. Eh bien ! cette distinction, il n’est pas plus difficile de la faire pour les chemins de fer. C’est qu’en effet les compagnies qui les exploitent sont naturellement conduites, au moins dans le cas d’une concurrence réelle avec les voies navigables, à reporter le péage tout entier sur le service des voyageurs, de manière à en exonérer complètement le service des marchandises, en sorte que le tarif propre à ces dernières ne représente réellement que la dépense effective du transport. Ainsi, voulez-vous connaître le prix réel, sérieux, pratique, du transport des marchandises sur les chemins de fer : prenez tout simplement les tarifs de ceux qui sont concurrens des canaux. Il s’y trouve quelques inégalités, parce que les conditions d’exploitation ne sont pas partout les mêmes ; mais, en prenant une moyenne, on ne peut manquer d’arriver à une appréciation exacte.

Nous savons bien que ce résultat sera nié par ceux même qui l’ont invoqué tant de fois à l’appui de leurs doctrines. Comme tout ceci n’a pas été jusqu’à présent bien expliqué, bien défini, on profite de l’espèce de confusion qui règne entre les divers élémens dont les tarifs se composent pour se faire du péage une sorte d’arme à deux tranchans. Veut-on prouver, en thèse générale, la supériorité des chemins de fer sur les canaux, on rappelle avec complaisance qu’ils réunissent deux services distincts, celui des personnes et celui des choses, et que, le premier suffisant en général à couvrir toutes les dépenses fixes, on peut exonérer de ces dépenses les marchandises. Vient-on ensuite à comparer en fait, terme à terme, les prix respectifs, des chemins de fer et des canaux, on change de langage et on allègue que les tarifs des chemins de fer comprennent le péage, dont les canaux sont, à ce qu’on prétend, injustement exemptés. Il faut pourtant choisir : ou bien cette faculté de reporter les dépenses fixes sur le compte des voyageurs n’est pas réelle, et il faut alors renoncer à s’en prévaloir comme d’un argument favorable, ou bien elle existe en effet, sans que rien empêche les compagnies d’en faire usage, et dans ce cas il