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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/776

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le seul, de réfuter Spinoza, c’est de revenir aux principes de Descartes, dont lui-même s’est trop souvent écarté ; c’est de pratiquer comme lui, avec plus de fidélité et d’exactitude encore, cette méthode infaillible qui saisissant, dès son premier pas, le type même de l’être dans un principe actif, simple et substantiel, ne peut jamais arriver, sans se démentir expressément, à transformer ce principe en une série de modalités de l’existence divine. Au lieu donc de répéter ce mot qui a fait tant de mal, et qui n’est vrai qu’à certains égards : le spinozisme est un cartésianisme conséquent, je proposerais volontiers de dire que le spinozisme est un cartésianisme infidèle, altéré dans ses principes et perverti dans ses conséquences.

Telle est la haute leçon que donne à la philosophie de notre temps l’histoire approfondie des mouvemens de la pensée humaine au XVIIe siècle. Rappellerons-nous en finissant que l’illustre écrivain qui vient de nous développer ce grand et instructif spectacle, qui consume ses veilles à ressaisir et à fortifier le nœud par où se rattache la philosophie contemporaine à la plus grande école de spiritualisme qui fut jamais, qui met toute sa gloire à purifier les doctrines cartésiennes des élémens d’erreur que le temps y a mêlés, à développer ces doctrines généreuses en leur donnant à la fois pour base la conscience individuelle et l’histoire de l’esprit humain, ce même écrivain est accusé chaque jour, par d’opiniâtres et aveugles adversaires, de corrompre le présent et de compromettre l’avenir ? On sent ici que toute apologie serait superflue. A mesure que M. Cousin poursuit ses fécondes études, il s’attache de plus en plus en philosophie à ce qu’il y a d’éternel. De là, dans son esprit, je ne sais quelle sérénité qui se réfléchit dans son style, et sur le fonds de vigueur et de précision qui le constitue, ajoute une ampleur et une majesté merveilleuses. Cette haute raison, devenue maîtresse entière d’elle-même, ce feu d’imagination, toujours tempéré par une méthode sévère, composent un caractère d’esprit et de style que notre siècle semblait avoir perdu sans retour, et qu’il est bien glorieux d’avoir retrouvé.

E. S.


REVELATIONS SUR LA RUSSIE, OU L'EMPEREUR NICOLAS ET SON EMPIRE EN 1844, traduit de l’anglais par M. Noblet, annoté par M. C. Robert ([1]. Malgré les réserves faites par l’auteur sur la question de priorité, il est évident que la publication de cet ouvrage a été provoquée par le succès que celui de M. de Custine a obtenu à Londres. Toutes les attaques contre la Russie sont bien venues en Angleterre ; aussi l’attention publique n’a-t-elle pas fait défaut à ces Révélations sorties de la plume d’un compatriote. L’auteur flattait les instincts populaires ; il a fait autorité, et l’on a considéré comme une étude approfondie ce qui n’est réellement qu’un recueil de documens suspects. Il eût été prudent néanmoins de se tenir en garde contre un livre écrit avec passion, et qui affecte assez volontiers les allures du pamphlet. Si des critiques et des récriminations dictées par un sentiment de patriotisme exagéré ont pu le populariser au-delà de la Manche, elles ne le

  1. Chez Charpentier, rue de Lille, 17.