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doit avoir d’antipathique à la France une constitution politique où tout est organisé par la tyrannie et pour la tyrannie ; seulement il peut nous paraître étrange que l’Angleterre revendique pour elle seule la moralité et la conscience nationale, qu’elle se pose, à l’exclusion de toute autre, en champion des idées de progrès et ne reconnaisse qu’une propagande civilisatrice, celle de ses escadres et de ses sociétés bibliques. On ne sait vraiment de quoi il faut le plus s’étonner, ou de l’ignorance grossière de ceux qui avancent de bonne foi ces assertions démenties chaque jour, et sur tous les points du globe, par les actes de la politique anglaise, ou de l’incroyable impudence de ceux qui prétendent imposer au monde de telles énormités. C’est pourtant là le fond de doctrine de l’auteur, qui, sans songer s’il existe ailleurs un peuple qui puisse à bon droit réclamer sa part dans l’œuvre de la civilisation moderne, proclame sans la moindre hésitation l’antagonisme de l’Angleterre et de la Russie comme la lutte d’oit dépend le sort du monde. Que l’Angleterre triomphe, l’Europe est sauvée ; qu’elle succombe, nous retournons au IXe siècle. Selon lui, « il existe à peine quelque partie de la famille humaine qui ne trouvât profit à devenir une des dépendances de la Grande-Bretagne ! » - La presse française a eu trop souvent l’occasion de relever des excentricités pareilles pour que nous croyons devoir nous y arrêter plus long-temps. Celles-ci ont beau se couvrir des couleurs de la jeune Angleterre, elles n’en relèvent pas moins des vieux préjugés que l’auteur répudie dans sa préface et dont il se fait ensuite l’organe. Cette fastueuse exhibition de principes humanitaires ne serait-elle qu’une hypocrisie de plus ? Nous répugnons à le croire, et nous aimons mieux n’y voir que l’erreur d’un patriotisme exalté.


— M. Villemain vient de publier, à propos des lettres et poésies de saint Grégoire de Nazianze, récemment retrouvées ou recueillies par l’un de nos plus savans prêtres, M. Caillau, un examen critique plein de vues élevées et d’aperçus délicats : jamais cette plume facile n’avait eu plus de tour et de grace. Les expressives et savantes traductions que M. Villemain entremêle à ses appréciations suffiront pour faire juger du prix tout particulier qu’a la belle publication de l’abbé Caillau. Il appartenait à l’auteur de l'Essai sur l’Éloquence des Pères au quatrième siècle d’étudier ces monumens curieux et presque inconnus de la première civilisation chrétienne. Comme toujours, M. Villemain s’est tiré de sa tâche en maître. Ce nouveau morceau sur Grégoire de Nazianze fait vivement désirer la publication des travaux nombreux et étendus que l’illustre écrivain achève en ce moment.


V. DE MARS.