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histoire, aussi désespérés qu’ils sont aujourd’hui joyeux et entraînés par les chimères.

Je ne veux pas raconter tout au long le roman de Mme Hahn-Hahn, mais seulement en indiquer le caractère, en signaler, si je puis, le sens et les conclusions. Si nous suivions la comtesse Ilda dans son château, dans sa résidence de Ruhenthal, nous la verrions entourée et fêtée. Parmi les amans que ravissent sa beauté et son génie, il y en a un surtout, Otto, dont l’ame ardente et sérieuse doit faire accepter son amour. Ilda croit que sa vie enfin va commencer ; ces affections profondes qui lui ont été interdites, elle va y renouveler son cœur et sa pensée ; mais le soir même où elle a laissé échapper son secret, où son amant enivré a couvert de baisers le front et les cheveux de celle qui sera la compagne de sa vie, ce soir-là même, Ilda reçoit une lettre d’Otto. Il lui disait : « Je t’ai vue ce soir pour la dernière fois ; il faut nous quitter, je ne te reverrai plus. Adieu, je t’aime. » Bizarres incertitudes, craintes vagues, subtilités de la faiblesse ! Otto redoute l’avenir ; il ne se sent pas assez de puissance pour remplir toujours cette ame qui se donne à lui ; il tremble par avance devant la supériorité d’Ilda Schœnholm. Au lieu d’affronter résolument le danger, comme Adolphe auprès d’Ellénore, il s’exagère le péril, il ne veut point affaiblir les impressions brûlantes d’un instant de bonheur, il frémit à la pensée des amours qui se dénouent, des affections qui vieillissent ; il met la main sur son cœur, et fuit en emportant son trésor.

Tandis que l’amour de la comtesse Ilda pour Otto se développait peu à peu, jusqu’au moment de cette brusque rupture, Polydore était à Vienne, où une femme belle, coquette, la comtesse Régine, s’était emparée de son ame. Polydore se croyait aimé d’elle ; mais malgré son aveuglement obstiné, malgré sa naïve inexpérience, le jour vint cependant où il vit trop bien que la comtesse Régine jouait gracieusement avec ses souffrances. Il quitte Vienne et accourt à Ruhenthal, pour demander à Ilda Schoenholm ses avis et ses consolations. Comment il trouva sa noble amie, nous l’avons dit ; c’était le lendemain du jour où le départ d’Otto avait détruit ses espérances et ajourné éternellement son rêve. Ce n’est pas tout ; une autre lettre était arrivée des bords du lac de Côme. Le prince Casimir n’avait pas rejoint Ondine, il venait de se marier en Angleterre, et la jeune femme était devenue folle. La comtesse Ilda se met en route aussitôt pour aller secourir Ondine, et Polydore l’accompagne. Mais les serviteurs dévoués de la pauvre folle n’avaient pu souffrir ce long retard, et Ondine arrivait déjà au-devant de sa cousine. Les voyageurs vont se