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La chute de Santa-Anna enlevait à l’Angleterre l’espoir d’occuper pacifiquement la Californie, et compromettait en même temps sa position dans le débat sur l’Orégon. Ce résultat était d’autant plus fâcheux, que l’Angleterre avait fait plus de sacrifices pour atteindre le but qui échappait de nouveau à ses efforts. Elle avait converti en possession effective son protectorat des îles Sandwich, moins pour balancer l’influence française dans la mer du Sud et faire contrepoids aux Marquises et à Taïti, que pour se préparer un entrepôt où elle prit amasser les approvisionnemens nécessaires à une expédition sur les côtes occidentales de l’Amérique. D’après les intentions que commençaient déjà à manifester les États-Unis ; l’Angleterre devait s’attendre désormais à ne s’établir dans l’Orégon que par la force, et c’était là un moyen extrême que n’approuveraient jamais son industrie ni son commerce. Maîtresse, au contraire, de la Californie où elle pouvait arriver par mer, et où elle eût puisé d’immenses ressources pour ses opérations, elle aurait pu s’avancer dans les solitudes limitrophes de l’Orégon, y porter des populations et des troupes, s’y établir enfin de fait, à l’exemple des États-Unis, tout en discutant ses droits, quitte à perdre son procès lorsqu’il ne serait déjà plus temps de faire exécuter les sentences de la diplomatie. Cette possession, — et c’était là le principal, le véritable but qu’elle poursuivait avec tant d’obstination, — la mettait à même de poser des limites aux envahissemens de l’Union vers le Mexique. Obligés de porter une population sur leurs frontières du sud-ouest menacées par l’Angleterre, les États-Unis abandonnaient pour le moment leurs projets sur l’Amérique espagnole ; la république de Washington se voyait réduite à accepter des bornes, et les destinées des républiques méridionales pouvaient être tout aussi bien anglaises qu’américaines.

Tels étaient les plans que déjouait la chute de Santa-Anna, et il semblait qu’on pût désormais regarder la partie comme tout-à-fait perdue. L’Angleterre n’était pas seulement, en effet, déboutée de ses prétentions sur la Californie, mais encore, par suite de la guerre imminente entre les États-Unis et le Mexique, l’Union pouvait s’emparer d’une grande partie de ce pays. Déjà, de Boston à la Nouvelle-Orléans, la presse américaine chantait victoire et annonçait que bientôt Panama, le cap Horn, seraient les seules limites de la république de Washington. C’étaient là, il est vrai, les rodomontades de quelques démocrates enivrés de la réussite de leurs projets sur le Texas ; mais, pour tous ceux qui connaissent le peuple de l’Union et les nations espagnoles du Nouveau-Monde, il n’y avait là rien d’impossible. L’Angleterre comprit qu’il fallait opposer sans retard une digue au torrent. Une querelle venait de s’élever entre le gouvernement de Nicaragua et le consul de la Grande-Bretagne, à propos d’un jugement par arbitres auquel un sujet anglais avait juré de se soumettre, et qu’il attaquait comme inique depuis sa condamnation. On n’a pas oublié que le Nicaragua fit, en cette occasion, appel à la France, offrant d’accepter son protectorat si elle intervenait dans cette affaire ; on sait aussi que cette intervention lui fut refusée. Après un