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ont toujours combattu l’alliance avec la France par les argumens les plus exagérés du système protecteur. Un simple rapprochement de noms et de dates en dirait très long sur ce sujet.

Ces réserves faites, nous dirons que le projet des entrepôts francs est l’indice d’un véritable progrès. La Belgique, trop exclusivement préoccupée jusqu’ici des défiances de son industrie manufacturière, commence à comprendre que le commerce proprement dit a lui-même ses droits. L’intérêt manufacturier bénéficiera tout le premier de cette mesure. Elle concentrera une partie de la contrebande sur un point aisément surveillé. Elle facilitera les exportations maritimes de la Belgique, qui, vu leur faible développement, sont aujourd’hui dans l’alternative d’aller chercher un navire en charge dans les ports de l’étranger, ou d’attendre plusieurs mois, dans le bassin d’Anvers, que le navire de transport ait complété son chargement. Dès qu’Anvers sera devenu entrepôt franc, les cargaisons y feront moins faute que les navires.

La diplomatie ne réussit pas à pacifier le Liban. Il faut espérer que Reschid-Pacha rougira pour l’honneur de son pays des horreurs gratuites dont la politique de ses prédécesseurs a accablé la malheureuse Syrie. Qu’ont produit les promesses solennelles de Chékib-Effendi ? Après avoir annoncé qu’il allait de sa personne sur les lieux pour mieux se rendre compte de ce qui ne lui paraissait pas encore suffisamment expliqué, l’envoyé de la Porte s’est audacieusement joué de l’intervention européenne, et il a ordonné le désarmement de la montagne, ou plutôt, sous l’apparence d’une mesure générale, il n’a désarmé que les chrétiens, laissant aux Druses leurs armes. De cette façon, ces derniers pourront se livrer à tous les excès sans avoir à craindre l’ombre d’une résistance. À cette déplorable anarchie si perfidement fomentée, il n’y a qu’un remède : c’est la franche union pour une œuvre d’humanité des deux cabinets de Paris et de Londres ; ici, il faut faire trêve à des malentendus, aux divisions, si l’on veut, qui n’ont que trop duré entre les deux consulats français et britannique de Beyrouth, divisions qui ont déjà coûté si cher aux populations chrétiennes du Liban. Au surplus, il faut reconnaître que dans ces derniers temps les représentans de la France ont été par leur énergie à la hauteur de leurs devoirs. Chékib-Effendi, qui désirait agir sans témoins, avait ordonné que tous les religieux ou négocians européens eussent à quitter le Liban. Cette mesure s’adressait presque exclusivement aux Français, et elle était en contradiction flagrante avec les capitulations. Notre consul protesta. Chékib-Effendi passa outre, Alors M. de Bourqueney exigea à Constantinople, de la manière la plus péremptoire, le retour de nos nationaux, et une indemnité pour les frais que leur avait occasionnés un déplacement si arbitraire. Après une longue résistance qu’on assure avoir été encouragée par la légation russe, la Porte céda enfin, et cette fois les réparations ne furent plus illusoires, comme on avait pu le croire d’abord : elles ont été complètes ; mais, nous le répétons, l’avenir se trouvera encore compromis de la manière la plus cruelle, si à Beyrouth l’Angleterre et la France ne se montrent pas sincèrement unies. Il faut savoir que