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2. Et il se fit aussitôt un grand concours de peuple pour voir la sainte tunique du Christ.

3. Et ils rendirent à ce morceau de toile des honneurs qu’on ne doit qu’à Dieu lui-même.

4. Et il y en avait qui s’écriaient : Sainte tunique, je m’approche de toi ! sainte tunique, prie pour moi ! sainte tunique, je t’adore !

5. Et il y en avait aussi qui croyaient que la tunique avait la vertu de rendre l’ouïe aux sourds, la vue aux aveugles, de redresser les boiteux, et de guérir tous les malades.

6. Mais cela n’arriva pas, car les infirmes conservèrent leurs infirmités et les malades leurs maladies.

7. Et l’on donna beaucoup d’argent à la tunique, et l’on accorda des indulgences pour les péchés commis.

8. Et les amis de la superstition poussaient des cris d’allégresse et levaient haut la tête.

9. Et ils se disaient les uns aux autres : « Voyez, le jour est venu de ramener le peuple à l’ignorance. De majeur qu’il était, il redeviendra mineur ;

10. « Et dorénavant, bien mieux qu’autrefois, nous le mènerons encore à la lisière ».

11. Et les sages, étonnés de tant de folie, gardaient gravement le silence.


II.

1. Or parmi les prêtres catholiques, il y en avait un qui était doué d’un sens net et d’une grande vigueur d’esprit : il s’appelait Ronge.

2. Il se leva, et prêcha avec force devant le peuple.

3. Et il appela fausseté ce qui était fausseté folie ce qui était folie.

4. Il dit encore au peuple :

5. « Je vous le dis, c’est une impiété d’adorer une tunique, un ouvrage fait de la main des hommes ;

6. « Car Jésus, notre sauveur, a laissé à ses disciples et à ses fidèles, non pas sa tunique, mais son esprit. »

7. Or, quand les ennemis de la lumière virent et entendirent ces choses, leur cœur fut troublé, et, furieux contre les apôtres de la vérité, ils grincèrent des dents.

8. Et ils tinrent conseil, et ils prirent les armes des ténèbres pour combattre les armes de la lumière.

9. Et ils amoncelèrent les insultes et les calomnies contre l’homme suscité par Dieu pour la défense de la foi.

10. Et, comme ils l’avaient fait jadis pour Luther, ils lui reprochèrent des péchés dont l’idée était bien loin de lui, et l’accusèrent de fautes dont son cœur ne savait rien.