Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/289

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Napoléon comprit les besoins intimes du peuple français, et l’avenir qui était encore réservé à la religion catholique ; aussi, d’une main ferme il releva la croix. Ceux qui alors et depuis cette époque ont déploré les malheurs du clergé, dépouillé de ses propriétés et de ses antiques prérogatives comme premier ordre de l’état, ont montré plus d’attache aux biens de la terre que d’intelligence des intérêts moraux de la religion. Contre ce qu’elle a perdu, l’église a gagné une puissance nouvelle, elle a fait un pacte avec le génie de la révolution française, et il dépend d’elle qu’il soit durable Il est dans l’esprit de notre siècle de vouloir que la science et la pensée se donnent toute carrière, sans troubler inutilement les anciennes croyances. Cette sage et large manière d’apprécier les rapports des choses n’est méconnue que par quelques cerveaux échauffés et faibles.

Le cinquième volume de M. Thiers contient des pages nobles et touchantes sur l’arrivée de Pie VII en France, quand ce pontife passa les monts pour sacrer le nouvel empereur. Les appréhensions du vénérable vieillard qui craignait de trouver en France des regards hostiles, des fronts impies, la sécurité qui renaît peu à peu dans son ame, des populations qui tombent à ses genoux, tout cela est peint avec une sorte de sensibilité grave et douce. M. de Fontanes mérite vraiment l’honneur que lui a fait l’historien du consulat et de l’empire d’insérer dans ses pages la harangue que celui-ci adressa au pape. La parole de M. de Fontanes s’éleva à toute la hauteur de cette grande réconciliation du sacerdoce et de l’empire. Au milieu du silence de la tribune, le nouveau César avait trouvé un orateur qui n’était pas un des moins brillans ornemens de sa dictature.

Comment soupçonner M. Thiers de ne point aimer le gouvernement représentatif ? On a toujours de l’attachement et de la reconnaissance pour les institutions au service desquelles on s’est illustré ; mais il est possible d’aimer le régime constitutionnel sans avoir ce pédantisme étroit qui, en dehors des formes de ce régime ; n’admet ni liberté ni bien moral. Il a été excellent qu’avant l’établissement définitif et la pratique sérieuse du gouvernement représentatif, la France ait vécu quelque temps sous une forte main qui a su tout organiser avec une rapidité invincible. Les erreurs, inévitables alors, dans lesquelles était tombée, en matière d’administration, l’assemblée constituante, furent redressées par le gouvernement consulaire, qui, de plus, ajouta des développemens puissans à l’œuvre de 1789. La centralisation, ce palladium de la France, poussa des racines plus profondes