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plaintes amères du maréchal Bugeaud que personne n’est à l’abri des attaques, des injustices de la presse, et qu’on y est d’autant plus exposé, qu’on est dans ce pays plus éminent, ou plus célèbre. Cela est vrai ; mais il faudrait aussi faire remarquer à la presse qu’elle se livre à toutes ses fantaisies au détriment du pays même dont elle prétend servir les intérêts. Cet homme, qui est le point de mire de toutes vos attaques, représente la France devant une population ennemie, fanatique, et capable de recevoir les impressions les plus contiaires. Par son courage, par son infatigable énergie, par des efforts qu’a couronnés la victoire, ce représentant de la France est parvenu à parler à l’imagination des Arabes, à conquérir une véritable puissance morale. Ne la détruisez donc pas de vos propres mains, car ce n’est pas seulement votre adversaire que vous blessez, mais la France. Quand la presse n’avait que des clameurs contre le maréchal Bugeaud exposant son plan de colonisation militaire, quand elle l’obligeait, en redoublant ses injustices, à quitter l’Afrique pour venir expliquer sa conduite, justifier ses plans, la presse, sans s’en rendre compte, ne servait-elle pas les espérances de nos plus cruels ennemis ? Le départ du maréchal Bugeaud a tout ébranlé en Afrique : ce départ a été représenté aux Arabes, par les agens d’Abd-el-Kader, comme le désaveu de tout ce qu’avait fait depuis quatre ans le gouverneur-général, et cette interprétation a été acceptée, grace à la perfidie des uns à la crédulité des autres.

Que les déplorables évènemens sur lesquels nous avons à gémir rendent la presse plus circonspecte, à quelque opinion qu’elle appartienne. Cette prudence est d’autant plus nécessaire, que, dans la guerre qui va se ranimer, il y aura de grandes difficultés à vaincre. Au prix de quelles courses, de quels dangers pourrons-nous joindre l’émir ? Les populations entre le Maroc et l’Algérie n’ont pas encore fait leurs semailles, elles ne les font qu’au mois de novembre. Quel ne serait pas notre embarras, si, renonçant à ensemencer à cette époque, elles préféraient émigrer dans le Maroc ! Contre qui lutter ? à qui nous en prendre ? On voit combien, pour les affaires d’Afrique, l’avenir est tout d’un coup devenu sombre et périlleux. Le fait, inouï jusqu’ici, de deux cents pauvres soldats tombés au pouvoir des Arabes, parle assez haut.

L’émotion produite par les évènemens de l’Algérie n’a pourtant pas empêché qu’on accordât quelque attention à ce qui vient de se passer en Italie. Encore une tentative d’insurrection suivie d’une répression immédiate, et n’amenant que des malheurs pour les hommes imprudens qui avaient pris le parti désespéré d’un appel aux armes. À cet appel, le peuple n’a pas répondu ; il a paru voir l’insurrection avec sympathie, mais il ne s’est pas levé pour l’appuyer. Rimini, qui était le point central de la révolte, a été évacué par les insurgés à l’approche des troupes pontificales. Dans cette dispersion, une partie des insurgés s’est réfugiée en Toscane, et c’est de la Toscane que plusieurs des chefs du mouvement ont sollicité du gouvernement français la permission de venir à Marseille ; cette autorisation ne leur a pas été refusée.