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qui était insubordination dans le parti tory est devenu révolté ouverte. Néanmoins, assailli par tous les partis et par la presse presque entière, injurié, outragé par ceux qui l’ont porté au pouvoir aussi bien que par ceux qu’il en a renversés, suspect à l’aristocratie, qui le maintient en le maudissant, comme à la démocratie, qui l’attaque en se servant de lui, sir Robert Peel est d’un aveu commun dans une des plus grandes situations où ministre se soit jamais trouvé. Cette situation est-elle aussi honorable qu’élevée, aussi sûre que forte ? c’est ce que je me propose d’examiner. Il est impossible, en attendant, de nier que sir Robert Peel n’ait, pour le moment du moins, vaincu toutes les résistances et surmonté tous les obstacles ; il est impossible de nier que la rébellion de ses amis comme les attaques de ses adversaires n’aient servi à rendre son triomphe plus éclatant et plus complet.

Pour ceux qui aiment le gouvernement, représentatif et qui se plaisent à en étudier les ressorts, il y a là un phénomène curieux et qui mérite d’être soigneusement observé. Sans doute, sir Robert Peel est un homme d’une valeur considérable et un chef parlementaire fort habile. Ce n’est pourtant pas un de ces hommes de génie qui entraînent tout après eux, et qui changent en quelque sorte le cours des lois naturelles. S’il a réussi, il faut que, dans les élémens qu’il avait sous la main, dans les circonstances qui l’entouraient, il ait trouvé un secours inespéré ; il faut que la force des choses soit venue à son aide. Quoi qu’il en soit, un récit impartial de la lutte et des évènemens qui depuis deux ans, depuis un an surtout, ont si vivement agité l’Angleterre, ne saurait être sans intérêt. On verra ensuite quelles conséquences, quels enseignemens il convient d’en tirer, et s’il n’y a pas là des leçons pour tout le monde.


I.

Au mois de janvier 1844, quand le parlement était à la veille de s’ouvrir, c’est surtout vers le procès d’O’Connell que se dirigeaient tous les regards, que se portait toute l’attention des trois royaumes. Intenté par le gouvernement après de longues hésitations, ce procès en effet devait décider une grande question, celle de savoir si en Irlande l’agitation était plus forte que les lois, et si, comme il s’en était vanté si souvent, le grand agitateur était invulnérable. Aussi de efforts considérables avaient-ils été faits d’une part pour que le procès avortât dès son origine, de L’autre pour qu’il arrivât à bonne fin. A