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Chacun sait, en outre, qu’à cernai il n’y a guère de remède, et que, par des raisons diverses, synode, convocation, autorité royale, autorité parlementaire, y échoueraient également.

J’ai insisté sur cette question, parce qu’il m’est impossible de ne pas y voir dans l’avenir plus encore que dans le présent une des plus grandes difficultés du gouvernement anglais. Dans chacune des trois contrées qui forment le royaume britannique, il existe une église établie, étroitement unie à l’état, et faisant partie de la constitution. Or, depuis long-temps une de ces églises, celle d’Irlande, est de fait une sorte de garnison ecclésiastique au milieu d’un pays ennemi. La seconde, celle d’Écosse, est, depuis deux ans, partagée en deux fractions presque égales et qui se font une guerre acharnée. Je viens de dire où en est la troisième et quels périls la menacent. Dans d’autres pays, là où domine l’esprit de tolérance, l’état n’aurait rien de mieux à faire, s’il le pouvait, que de se tenir en dehors de toutes ces querelles. En Angleterre, ni la constitution, ni les mœurs ne le permettent, et il faut, bon gré, mal gré, que l’état intervienne ; il faut qu’il intervienne au nom de principes que le temps a ruinés, à l’aide d’une autorité jadis très réelle, aujourd’hui presque nominale. Il est possible que pendant quelques années encore, avec beaucoup de prudence et de ménagemens, on parvienne à éviter la crise ; il est possible aussi qu’elle éclate d’un jour à l’autre, et que l’Angleterre en soit ébranlée jusque dans ses fondemens. On verra tout à l’heure quel effet produisit, peu de temps après les émeutes du surplis, une mesure bien simple, bien modeste, mais qui remuait le vieux levain protestant.

Il faut maintenant, avant d’arriver à la session de 1845, revenir sur nos pas, et examiner quelles modifications subirent, entre la clôture et l’ouverture du parlement, la question irlandaise et la question ministérielle.

L’arrêt de la cour des lords d’Angleterre était, il faut le dire, une bonne fortune inespérée pour O’Connell. Après avoir, une année durant, bravé, défié les lois et les légistes de l’Angleterre, le grand agitateur en prison ne pouvait, malgré tous ses efforts, empêcher que ses prédictions déjouées ne répandissent parmi ses partisans beaucoup de découragement et de doute. On avait beau publier chaque jour le bulletin de sa santé et de ses réceptions, on avait beau annoncer que les visites lui venaient de toutes parts, et qu’il jouait deux ou trois heures à la paume pour se tenir en haleine ; tout cela satisfaisait peu ceux qui, sur la foi de ces paroles, l’avaient cru si long-temps infaillible