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l’éducation du peuple, avaient espéré faire reculer le gouvernement, s’apercevaient qu’en embrassant un peu tardivement la cause de l’intolérance, ils ne la sauveraient pas. Quant au parti ultra-anglican, battu, décimé, désarmé, il jetait autour de lui de tristes regards, et ne savait plus à qui se rallier. N’avait-il pas été trahi par les hommes sur lesquels il comptait le plus, par lord Stanley, par sir James Graham, par M. Gladstone notamment ? Ne voyait-il pas dans les rangs ennemis les fils aînés, les héritiers de ses chefs principaux, lord Lincoln, lord Jocelyn, lord Blandford ? Il lui restait lors Ashley et sir Robert Inglis, lord Ashley, philanthrope estimable, mais homme d’état médiocre ; sir Robert Inglis, honnête protestant, mais sans talent et sans avenir. La défaite était donc complète et irréparable, à moins que tout d’un coup des rangs obscurs du parlement ou des collèges électoraux il ne surgît pour le parti ultra-protestant un chef et un vengeur.

Faut-il conclure de là que le triomphe de sir Robert Peel fut sans mélange ? Non, certes. Dans la mêlée, sir Robert Peel avait reçu de cruelles blessures, et ce n’est pas sans inquiétude, sans irritation, qu’il voyait la désertion de la moitié de son armée. Néanmoins le fleuve était franchi, et il fallait périr ou compléter son œuvre. Aussi, au moment même du vote de Maynooth, proposa-t-il le second projet annoncé par lui, celui qui créait dans le nord et dans le midi de l’Irlande trois collèges purement laïques, collèges dont le gouvernement nommait les professeurs, qui donnaient l’instruction sans recevoir d’élèves internes, et d’où tout enseignement religieux était soigneusement écarté. Au premier abord, les membres irlandais présens, M. Wyse, M Roche, M. Bellew, M. John O’Connell, M. Sheil, approuvèrent le projet, tout en faisant certaines réserves, tandis que sir Robert Inglis le dénonçait comme « le plan le plus gigantesque d’éducation athée qui eût paru dans aucun pays. » A cela sir Robert Peel répondit que « sir Robert Inglis se plaindrait bien davantage s’il proposait de donner dans les collèges nouveaux l’instruction catholique. Le seul moyen à prendre était donc de laisser à cet égard les parens maîtres de faire tout ce qui leur plairait. » Les radicaux comme les whigs déclarèrent alors qu’ils étaient de l’avis de sir Robert Peel, et l’on put croire qu’aux ultra-protestans prés, le bill panserait presque sans opposition. Mais c’était compter sans le clergé catholique d’Irlande, et surtout sans O’Connell. Las du bequests-bill, O’Connell cherchait une question où il pût se refaire, tout en marchant d’accord avec les évêques et les archevêques. Or, il s’aperçut facilement que ceux-ci étaient peu satisfaits du bill sur l’éducation. Il s’empressa donc d’attaquer