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que combattaient beaucoup de tories, et qu’appuyait, M. Brougham en tête, une fraction importante du parti libéral. À cette époque, à la vérité, sir Robert Peel, encore jeune, restait fidèle aux ultra-tories ; mais, ministre en 1829, il rompit avec eux à son tour, et l’on sait que l’émancipation catholique lui fit perdre à la fois la représentation d’Oxford et l’appui d’une portion notable de ses amis. Peu de temps après, la révolution de juillet survint ; le parti whig prit le pouvoir, la réforme eut lieu, et, devant ces grands évènemens, les querelles intérieures du parti tory s’apaisèrent ou s’amortirent. C’est alors que, vaincu et réduit à 150 voix dans la chambre des communes, ce parti, faisant trêve à ses rancunes, choisit sir Robert Peel pour son chef, et lui donna mission de rétablir ses affaires. C’est alors aussi que le nom de parti conservateur fut inventé, et qu’une large porte resta ouverte à tous ceux qu’effrayaient, à un titre quelconque, les mouvemens précipités de la réforme. Que dans cette grande lutte entre les conservateurs et les réformistes, entre la droite et la gauche, le vieux parti prohibitif et le vieux parti fanatique se soient rangés sous le drapeau de sir Robert Peel, cela est vrai ; mais est-il vrai que sir Robert Peel achetât leur concours en s’associant à leurs idées et en épousant leurs passions ? Est-il vrai même qu’il leur donnât l’espoir de rentrer un jour dans l’ancienne ornière ? Pour se convaincre du contraire, il suffit de se rappeler combien de fois, de 1837 à 1841, il se sépara d’eux en plein parlement, et combien de fois en retour ils l’accusèrent de faiblesse et de trahison. En 1840 un écrit important parut, par lequel il était nettement proposé au tories de répudier sir Robert Peel et de prendre pour chef lord Stanley. Après cela, si la nécessité ramena vers sir Robert Peel ceux qui se méfiaient de lui, il resta, je le répète, bien connu de tous que, sur les questions religieuses comme sur les questions commerciales, sir Robert Peel ne prenait conseil ni de sir Robert Inglis ni du duc de Buckingham.

Dans la dernière année pourtant, quand son parti touchait au pouvoir et le pressait d’agir, sir Robert Peel, dans l’entraînement de la lutte, montra, j’en conviens, trop d’indulgence pour des préjugés qui n’étaient pas les siens, pour des passions qu’il répudiait au fond de l’ame. C’est une faute, et il est bon qu’elle lui soit durement reprochée, ne fût-ce que pour donner à tous les hommes politiques un avertissement salutaire. Cette faute pourtant n’est pas de celles qui déshonorent et qui perdent un ministre. Est-il juste d’ailleurs de prétendre que le parti agricole et le parti ultra-protestant n’aient rien gagné à l’avènement de sir Robert Peel ? Ils ont gagné, on l’a dit avec