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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/475

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LE COMTE

Encore cette sonnerie ! Adieu donc, marquise. Je ne vous en tiens pas quitte, au moins. (Il ouvre la porte.)

LA MARQUISE

À ce soir, toujours, n’est-ce pas ? Mais qu’est-ce donc que ce bruit que j’entends ?

LE COMTE

C’est le temps qui vient de changer. Il pleut et il grêle à faire plaisir. On vous apporte un troisième bonnet, et je crains bien qu’il n’y ait un rhume dedans.

LA MARQUISE

Mais ce tapage-là, est-ce que c’est le tonnerre ? en plein mois de janvier ! Et les almanachs ?

LE COMTE

Non ; c’est seulement un ouragan, une espèce de trombe qui passe.

LA MARQUISE

C’est effrayant. Mais fermez donc la porte ; vous ne pouvez pas sortir de ce temps-là. Qu’est-ce qui peut produire une chose pareille ?

LE COMTE ferme la porte.

Madame, c’est la colère céleste qui châtie les carreaux de vitre, les parapluies, les mollets des dames et les tuyaux de cheminée.

LA MARQUISE

Et mes chevaux qui sont sortis !

LE COMTE

Il n’y a pas de danger pour eux, s’il ne leur tombe rien sur la tête.

LA MARQUISE

Plaisantez donc à votre tour ! Je suis très propre, moi, monsieur ; je n’aime pas à crotter mes chevaux. C’est inconcevable : tout à l’heure il faisait le plus beau ciel du monde.

LE COMTE

Vous pouvez bien compter, par exemple, qu’avec cette grêle vous n’aurez personne. Voilà un jour de moins parmi vos jours.

LA MARQUISE

Non pas, puisque vous êtes venu. Posez donc votre chapeau, qui m’impatiente.

LE COMTE

Un compliment, madame ! Prenez garde : vous qui faites profession de les haïr, on pourrait prendre les vôtres pour la vérité.