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manquent pas, et il s’efforce de relever un héritage abandonné. Voilà quel est l’intérêt de son travail.

L’ouvrage de M. Hinrichs est une histoire rapide et assez complète de tous les mouvemens d’opinion qui se sont produits en Allemagne depuis le XVIIIe siècle. Comment l’éducation du peuple s’est-elle faite sous la discipline des évènemens ? Quelle action ont subie les doctrines religieuses ? Quel a été le rôle de la science dans ces révolutions intérieures ? Telles sont les questions auxquelles M. Hinrichs s’est efforcé de répondre. La politique, l’église, la philosophie, voilà le triple objet de ses curieuses leçons. L’auteur, il est vrai, remonte un peu plus haut dans son introduction ; il commence en Orient, il continue avec l’antiquité grecque, avec Platon et Aristote, puis il passe de là à Alexandrie ; il arrive enfin au christianisme, traverse à grands pas tout le moyen-âge, et salue avec Frédéric II l’avènement du XVIIIe siècle. Il faut pardonner quelque chose à l’ambition de la science allemande. La plus humble cité, au moyen-âge, quand elle écrivait son histoire, ne manquait jamais de remonter à la guerre de Troie. Un écrivain allemand qui veut raconter la révolution de Saxe ou de Brunswick croirait aussi déroger, s’il ne cherchait les premiers titres de son récit dans les archives de Babylone ou de Persépolis. Je regrette pour M. Hinrichs cette longue et pénible introduction ; je crains qu’elle ne nuise à son travail, et que le lecteur ne s’effarouche aux premières pages. La moitié d’un volume, dix ou onze leçons pour un résumé parfaitement inutile, c’est un peu plus qu’il ne convenait à l’économie du livre. Le moindre inconvénient de ces dissertations, c’est d’être publiées pour la centième fois. Si elles n’apportent rien qui ne soit connu déjà, à quoi bon en charger son travail ? Si elles révèlent un point de vue nouveau, une lumière inattendue, n’est-il pas vraiment dommage de réduire à la mince condition de préface une si belle histoire universelle ?

L’ouvrage commence sérieusement à la onzième leçon, consacrée presque tout entière à Frédéric II ; cette leçon est excellente. Il y a là un portrait irréprochable du grand capitaine, et surtout du hardi penseur, du roi philosophe. M. Hinrichs montre fort bien tout ce qu’il y a d’audace dans la politique, de ce souverain révolutionnaire, qui a fait asseoir le libre esprit sur le trône ; il expliqué parfaitement la glorieuse originalité de ce grand règne. C’est par lui, c’est par Frédéric II que la Prusse a été liée à ce système vivace qui lui fait une loi de s’associer à tous les progrès de l’intelligence ; En face de l’Autriche, qui redoute la lumière et le mouvement, la Prusse a grandi par son