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la résistance dérive du principe opposé. Si le radicalisme a fourni des armes à la réaction ultramontaine, disaient à leur tour les radicaux, c’est qu’il est incomplet. Voilà en quels débats stériles la presse et les orateurs libéraux avaient dépensé, sous le ministère de Theux, les rares trêves que laissait la question extérieure, cet autre obstacle au rapprochement des exaltés et des modérés. Le clergé avait fort habilement exploité ces malentendus, mettant tour à tour en évidence, selon qu’il s’adressait à l’aristocratie ou aux petits fermiers, les théories populaires de MM. de Potter, Bartels, Gendebien, Veraehegen, Delehaye, ou le programme semi-aristocratique de MM. Lebeau, Rogier, Devaux, et leurs amis.

Tout projet de réforme immédiate, complète, embrassant l’engrenage constitutionnel tout entier, offrait donc le double inconvénient de produire, au sein du parti libéral, deux systèmes qui s’annulaient l’un l’autre, et de fournir de nouvelles armes au clergé : Il fallait dès-lors s’en tenir à des réformes partielles, ou aucun des deux systèmes ne serait en jeu, et qui, loin de mutiler les institutions actuelles, paraîtraient les compléter. Telle semble avoir été la pensée politique du cabinet d’avril 1840. L’enseignement fut le terrain neutre où modérés et exaltés se donnèrent pour la première fois rendez-vous M Rogier institua un concours annuel auquel devaient prendre part tous les établissemens d’instruction moyenne du royaume, et cette mesure, qui asservissait les collèges ecclésiastiques aux chances d’une concurrence loyale, eut l’assentiment unanime des libéraux M. Devaux, resté en dehors de la nouvelle combinaison, posa de son côté, dans la Revue nationale, les bases d’un rapprochement plus fructueux et plus complet L’abbé de Haerne avait dit, en 1831, au congrès, qu’il appartenait au temps, aux luttes parlementaires, au libre jeu des institutions, de décider à qui, des catholiques ou des libéraux, de l’église ou de l’état, reviendrait la prééminence. M. Devaux déclara l’épreuve résolue en faveur de l’état. D’après lui, si les catholiques l’emportaient en nombre, les libéraux l’emportaient déjà en influence, d’où découlait, pour le gouvernement, la nécessité de mieux résister à l’avenir aux influences réactionnaires qu’il avait si long-temps subies. Ce raisonnement, qui empruntait aux relations bien connues de M. Devaux avec MM. Lebeau et Rogier le caractère d’un programme ministériel, eut un égal succès auprès des deux fractions libérales. Il anéantissait ou tout au moins ajournait pour elles un des plus graves dissentimens qui les eussent séparées jusque-là. Du moment en effet où le gouvernement dans ses conditions actuelles, consentait