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l’avenir, qu’on peut projeter une expédition sur Madagascar. Si le ministère veut faire sentir la puissance de nos armes à la population belliqueuse des Hovas, qu’il n’oublie pas qu’il est un soin au moins aussi nécessaire c’est de ne rien faire qui puisse amoindrir notre situation. Est-ce encore avec l’Angleterre que nous allons agir ? C’est précisément contre elle qu’au fond nous avons à surveiller et à défendre des droits qu’elle a souvent contestés. Dans cette question plus que dans toute autre, le cabinet doit résister aux séductions de la cordiale entente ; ce qui importe surtout aujourd’hui, c’est de sauvegarder l’avenir. La colonisation de Madagascar est un de ces problèmes dont la prudence ordonne de mûrir l’examen. Indépendamment des difficultés qui nous occuperont long-temps dans l’Algérie, la question de Madagascar est elle-même trop obscure pour recevoir une solution prochaine. On est encore sans idées positives sur l’étendue des sacrifices d’hommes et d’argent qu’exigerait cette grande entreprise. Seulement aujourd’hui il ne faut pas que le gouvernement de 1830 se montre moins habile et moins ferme que la diplomatie de la restauration, qui a su défendre nos justes prétentions à la souveraineté de Madagascar contre les éternels rivaux de notre puissance maritime.

Pour assurer l’accroissement raisonnable et successif de cette puissance, qui est l’agent nécessaire des tendances commerciales et pacifiques de notre siècle, il faut reconnaître qu’en France tous les partis, toutes les opinions, sont d’accord. Le ministère de la marine reçoit chaque année des chambres des excitations salutaires bien faites pour l’éclairer, le soutenir dans sa tâche laborieuse. Un ingénieur de la marine et un contre-maître viennent de partir pour la Corse ; ils sont allés reconnaître jusqu’à quel point les bois des forêts de cette île seraient propres aux constructions navales. Si l’on compte sur la Corse pour combler les vides causés par le sinistre du Mourillon, nous croyons qu’on s’abuse : la Corse ne produit pas les chênes, qui sont pour la marine les meilleurs matériaux. Pourquoi d’ailleurs chercher au loin ce que nous avons si près de nous ? Dans le département de l’Allier, sur les bords d’une rivière navigable, dans la belle forêt de Tronçais, une futaie de trois mille hectares au moins renferme pour plus de trente millions d’arbres de forte dimension, et parvenus au terme de leur croissance. Un grand nombre même, un sixième environ, est sur le retour, et c’est ainsi qu’une masse considérable de produits si précieux pour notre marine perd annuellement plus de cinq cent mille francs de sa valeur. Pourquoi donc M. le ministre des finances ne mettrait-il pas une si riche forêt à la disposition de M. le ministre de la marine ? Ne peut-on revenir sur un aménagement même homologué par ordonnance royale, quand il est avéré que cet aménagement préjudicie aux véritables intérêts de l’état ?

Nous ne saurions trop exploiter toutes nos ressources dans le mouvement général qui pousse chaque peuple à perfectionner ses moyens de bien-être et d’activité. Maintenant c’est à qui aura les meilleures voies de transport, les communications les plus rapides. Dans ces derniers jours, nous avons