Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/709

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rêté au parti de ne plus mesurer la production que par la consommation. En France, dans les dernières enquêtes de 1811 et de 1817, on a pris pour base des évaluations le nombre présumé des hectares cultivés en céréales et le produit moyen approximatif de chaque hectare. L’un et l’autre procédé n’ont guère abouti qu’à des données vagues et incertaines.

La situation plus ou moins délicate de l’Angleterre et de la Belgique a fait naturellement tourner les regards vers la France. Dieu merci, il n’y a pas même chez nous l’apparence d’un danger. Toutefois, nous avons eu nos alarmistes, qui ont commencé par réclamer des mesures exceptionnelles, sous prétexte que l’Angleterre pourrait venir bientôt épuiser nos réserves pour combler le déficit de ses récoltes. On ne demandait rien moins au gouvernement que d’interdire par ordonnance l’exportation des grains, c’est-à-dire que, pour combattre un danger imaginaire, on aurait suspendu la loi et compromis toutes les opérations commencées sous son égide. Il est vrai que ceux qui avaient débuté par soutenir cette thèse singulière n’y ont pas persisté. Pour garder une contenance, on a entrepris de faire d’une manière générale le procès à la législation actuelle. La loi de 1832, qui nous régit, est pour l’exportation des grains, la plus libérale qui jamais ait existé en France. Est-ce un mal ? Depuis treize ans que nous vivons sous l’empire de la loi de 1832, le commerce s’est surtout servi de sa liberté pour assurer l’alimentation du pays, et la liberté, mieux que toutes les prohibitions, a écarté le danger d’une disette. Quel triste contraste, si l’on se reporte au dernier siècle, où presque toujours l’exportation fut interdite, où aussi les disettes en France furent si fréquentes et presque périodiques ! Veut-on nous conseiller aujourd’hui, à titre de progrès, de retomber dans ces anciens erremens, dont l’expérience a démontré le danger ? C’est surtout à des lois aussi délicates que celles qui concernent les subsistances qu’il faut se garder de toucher témérairement.

Mais il est d’autres questions sur lesquelles il est vraiment utile et politique d’éveiller la sollicitude du gouvernement ; nous voulons parler de nos rapports commerciaux avec la Belgique. Le ministère belge, loin de paraître disposé à faire à la France des concessions si long-temps attendues, argumente de son impuissance à obtenir des chambres de Bruxelles la prolongation de la convention du 16 juillet 1842, et il déclare que de nouvelles modifications en faveur de la Belgique lui sont indispensables. Dans un sens contraire, M. Guizot tient le même langage, et certes il est autrement fondé que le cabinet belge à s’appuyer sur l’autorité parlementaire pour exiger des changemens à la convention de 1842. Qui ne se rappelle le blâme explicite dont la commission de la loi de douanes a frappé cette convention dans le mois de mars de cette année ? À cette époque, le ministère fut obligé d’adhérer à un amendement par lequel on lui recommandait de ne prolonger le traité au-delà du terme de rigueur qu’autant que la Belgique nous accorderait des compensations suffisantes. C’est alors que M. Guizot lui-même, du haut de la tribune, adressa plusieurs reproches à nos voisins sur leur conduite à