Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/757

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

qu’on veut embrasser à la fois conduit à un manque de clarté et de précision dans l’enchaînement des idées. La nature est le règne de la liberté, et, pour peindre vivement les conceptions et les jouissances que fait naître la contemplation de son ensemble, il faudrait que la pensée pût revêtir librement aussi ces formes et cette élévation du langage qui sont dignes de la grandeur et de la majesté de la création.

Si l’on ne considère pas l’étude des phénomènes physiques dans ses rapports avec les besoins matériels de la vie, mais dans son influence générale sur les progrès intellectuels de l’humanité, on trouve, comme résultat le plus élevé et le plus important de cette investigation, la connaissance de la connexité des forces de la nature, le sentiment intime de leur dépendance mutuelle. C’est l’intuition de ces rapports qui agrandit les vues et ennoblit nos jouissances. Cet agrandissement des vues est l’œuvre de l’observation, de la méditation et de l’esprit du temps, dans lequel se concentrent toutes les directions de la pensée. L’histoire révèle à quiconque sait pénétrer à travers les couches des siècles antérieurs aux racines profondes de nos connaissances, comment, depuis des milliers d’années, le genre humain a travaillé à saisir, dans des mutations sans cesse renaissantes, l’invariabilité des lois de la nature, et à conquérir progressivement une grande partie du monde physique par la force de l’intelligence. Interroger les annales de l’histoire, c’est poursuivre cette trace mystérieuse par laquelle la même image du Cosmos, qui s’est révélée primitivement au sens intérieur comme un vague pressentiment de l’harmonie et de l’ordre dans l’univers, s’offre aujourd’hui à l’esprit comme le fruit de longues et sérieuses observations.

Aux deux époques de la contemplation du monde extérieur, au premier réveil de la réflexion et à l’époque d’une civilisation avancée, correspondent deux genres de jouissances. L’une, propre à la naïveté primitive des vieux âges, naît de la divination de l’ordre qu’annoncent la succession paisible des corps célestes et le développement progressif

    d’une seconde création. La France ne désavouera ni les idées ni le style ; elle reconnaîtra son génie dans ces vues si nettes et si larges, aussi bien que son goût sévère dans cette forme, où l’ampleur de la phrase allemande ne s’unit que comme un charme de plus à la précision du style français. Nous n’ajouterons rien : il ne nous appartient pas de devancer l’opinion de nos lecteurs, et ce n’est point d’ailleurs le moment d’entrer dans l’analyse d’un livre qui, grâce aux soins d’un traducteur éclairé, sera bientôt connu de la France, comme il l’est de l’Allemagne. Plus tard, nous essaierons d’apprécier le Cosmos : aujourd’hui, nous laissons parler M. de Humboldt.