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les pays du monde, sert au même emploi, d’une vieille femme. Ce fut elle que l’on chargea de la conversion. Aucun iman ne fut député à la jeune fille, pour lui faire comprendre la magnifique beauté du chapitre de la Table et les éternelles vérités contenues dans celui de la Vache. Des syllogismes convaincans remplissaient plusieurs corbeilles sous forme d’écharpes de soie, de châles de cachemire et d’aigrettes de chamans tout-à-fait persuasifs ; le cheikh avait bien deviné, et la conversion s’opéra sans peine. Mariam découvrit dans un miroir incrusté de nacre les vérités de l’islamisme, et ne put rester sourde à l’éloquence des topazes montées en boucles d’oreilles par les orfèvres de Damas ; les plis moelleux de ses nouveaux cachemires l’enveloppèrent, la foi mahométane fut son asile, et elle déclara qu’elle cessait d’être chrétienne. Mais, comme toute propagande religieuse est prohibée par la loi du pays, il fallut que de nouveaux présens pour les juges aplanissent les autres difficultés. Au lieu de la remettre aux bras de son amant, à, qui elle coûtait déjà cher, on déposa Mariam dans une mosquée, où elle devait recevoir les instructions religieuses du Coran. Sa famille et ses amis criaient au scandale, répétaient à qui mieux mieux que cette conversion n’était pas sincère, qu’ils en appelleraient aux autorités supérieures, et qu’ils auraient raison de la violence exercée par les mahométans sur une chrétienne. Pour mettre fin à ces réclamations, un rendez-vous fut fixé ; au milieu des deux familles convoquées et réunies dans la mosquée, l11ariam, prenant la parole, prononça la formule consacrée de l’islamisme : Dieu est Dieu, et Mahomet est le prophète de Dieu, et toi, ma mère, tu es un chien infidèle du sexe fëminin ! Le mari ne se tenait pas pour battu. Malgré une déclaration si clairement énoncée, la fiancée, devenue musulmane, restait en dépôt dans sa mosquée, pendant que les chrétiens de la ville dépêchaient au gouverneur de Jérusalem leur prêtre grec, chargé de réclamer la restitution de l’épouse ; ce gouverneur était célèbre par ses artifices, qui lui ont valu le surnom arabe d’Abou-Goush (père des mensonges). Ulysse de la Palestine, il justifiait ce titre d’honneur.

Les choses en étaient là, et les curiosités, excitées par le départ du prêtre, attendaient impatiemment le dénouement, lorsque notre Anglais et son cicerone Démétri arrivèrent à Naplouze, et trouvèrent la ville en rumeur et l’Hélène chrétienne dans sa mosquée. Ménélas se tenait tranquille, et paraissait d’avis qu’une femme qui avait abandonné si lestement lui et la foi chrétienne ne valait pas la peine d’être reconquise ; il laissait agir les parens, qui se hâtèrent de députer à