ordre-là ? Non, elle l’est seulement au peuple ; les esprits d’élite peuvent à la rigueur s’en passer : d’où il suit qu’à mesure que la société s’éclaire, la nécessité de la révélation se concentre dans une partie de plus en plus restreinte de la société.
On pourrait presser encore ces conséquences ; mais il serait injuste d’aller plus loin avant d’avoir bien entendu M. l’archevêque de Paris et de s’être formé une idée exacte de l’ensemble de ses vues sur les rapports de la philosophie avec le christianisme.
M. l’archevêque de Paris est un esprit essentiellement positif. Sans rester étranger aux spéculations de la haute théologie, sans méconnaître le rôle que la religion peut jouer dans le mouvement des sciences, M. l’archevêque de Paris aime à l’envisager sous le point de vue pratique, à en faire comprendre l’action conservatrice et sociale. D’ailleurs, M. l’archevêque n’écrit pas pour quelques spéculatifs ; il s’adresse à tous les hommes de bon sens, et il veut les ramener par le bon sens lui-même à la religion.
S’il est une condition fondamentale de vie pour les individus et les peuples, c’est l’existence d’une morale reconnue de tous, de ceux même qui en violent les prescriptions ; voilà le solide principe sur lequel s’appuie M. l’archevêque de Paris. Or, point de morale sans religion. La morale la plus simple implique certains dogmes religieux. La morale, en effet, est une loi, et une loi demande un législateur et une sanction. Ôtez l’existence d’un Dieu juste, ôtez l’immortalité de l’ame, toute morale devient impossible ou stérile. Jusque-là nous ne pouvons qu’applaudir à la solidité des raisonnemens de M. l’archevêque. Pourvu que l’étroit lien dont il enchaîne avec raison, d’une part, la loi morale et son divin principe, de l’autre, le caractère obligatoire du devoir et la nécessité d’une sanction infaillible, n’ôte rien à l’indépendance parfaite des notions morales et au caractère intrinsèque d’obligation qu’elles imposent ; pourvu, en un mot, que la loi morale, rattachée à Dieu législateur, comme les axiomes mathématiques à Dieu vérité ne dépende pas plus que ces axiomes mêmes de la volonté arbitraire d’un Dieu primitivement conçu sans règle et sans loi, nous accordons à M. l’archevêque de Paris ce que nul philosophe et nul homme de sens ne sauraient contester, c’est que les croyances morales et religieuses sont unies par une étroite solidarité, et que dans un cœur bien fait et dans un esprit juste elles ne se séparent jamais.
Ces deux points fortement établis, M. l’archevêque de Paris, tout en reconnaissant à la raison humaine une force assez grande pour s’élever aux vérités essentielles de l’ordre moral et religieux, pour