nio le suivait des yeux, appuyé sur l’épaule de la Fiametta immobile. Les draperies qui flottaient autour de la belle Italienne tombaient jusqu’à ses pieds en plis capricieux ; un reflet de soleil couchant lui envoyait des teintes éclatantes.
— Cette femme est son mauvais génie, pensait Frédéric. Passionnée, admirablement belle, sans esprit sans doute, et sans cœur (comme il la traite !), elle le domine et le retient par le plaisir. Il prend la bizarrerie pour l’originalité ; ses passions sans frein l’emportent, et il oublie le côté sérieux de son art. Est-il temps encore de sauver son talent ? — Tout en cheminant, sa pensée au contraire se portait vers celle qu’il allait retrouver. — Ma douce Henriette, disait-il en se parlant à lui-même, quelle différence entre cette femme et toi, ou plutôt, puis-je même vous comparer ? Ah ! tout à l’heure, ce qu’Antonio disait faisait bondir mon cœur ! Toi, mise à côté de cette créature ! pauvre enfant, tu mourrais de chagrin et de honte !
Son cœur s’épanchait et se soulageait ; il était semblable à un homme qu’un air lourd suffoquait et qui renaît à un air plus léger. Il hâtait le pas, car il marchait vers la bonté, la tendresse, le dévouement, les pensées chastes et salutaires. Il trouva Henriette tout alarmée de la longueur de son absence, et lui raconta sa rencontre, en supprimant ce qui avait rapport à elle.
— Cette femme est donc bien belle ? dit-elle en rougissant un peu.
— Toi, tu es belle et tu es bonne, répondit-il en l’embrassant.
La pauvre enfant avait eu cependant une lueur d’inquiétude. Elle n’osait l’avouer ; un soupçon eût torturé ce cœur aimant.
Le soir, en arrosant ses fleurs, quelques larmes y tombèrent silencieusement. Frédéric ne les vit pas ; il allait et venait, en chantant, autour d’elle.
— Comme tu es gai ! dit Henriette.
— Ah ! c’est que je n’ai jamais si bien senti combien je t’aime ! Elle le vit si franc et si tendre, qu’elle cacha bien vite sa tête dans son sein, pour qu’il ne vît pas à sa joie quelle avait été sa crainte.
Cette rencontre livra pourtant Frédéric à de sérieuses réflexions. Jusqu’alors il avait trop savouré la joie de cette union sans songer que ce monde, loin duquel il vivait, ne l’approuverait qu’en la voyant bénie par Dieu et consacrée par les hommes. Il s’était fié à la sincérité de