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rapprocher de sa ville natale. Au moment de l’arrestation, le père de M. Mazzini, aujourd’hui encore professeur de médecine à l’université de Gênes, se présentait au gouverneur de la ville, M. Venanson, pour savoir quels étaient les griefs de l’autorité contre son fils. — Votre fils, répondait le gouverneur, se promène tout seul d’habitude dans les faubourgs, les jardins et les champs, livré à de profondes méditations. Quelles pensées peuvent donc l’absorber, lui si jeune encore ? — A peine sorti de prison, M. Mazzini quitte les États Sardes, arrive à Marseille, et là, il apprend les échecs des insurgés de la Romagne. L’Autriche occupait la moitié de l’Italie ; le gouvernement pontifical, protégé par le drapeau autrichien, se livrait à de cruelles réactions ; la révolution italienne venait de succomber pour la troisième fois, et désormais les Italiens désespéraient de répondre à l’appel de Juillet. M. Mazzini ne voit là que la défaite du parti modéré ; il arrache le drapeau national aux modérés de la Romagne, il se sépare du carbonarisme de la restauration pour marcher avec les républicains, et il s’adresse à cette jeunesse italienne que les chefs de 1831 avaient contenue avec tant d’efforts. Les persécutions exaspéraient tout le monde, et il profita de l’indignation générale ; les rangs de l’émigration grossissaient chaque jour, il fixa bientôt autour de lui une partie des réfugiés. En France, l’élan populaire n’était pas vaincu, et les dernières agitations du pays semblaient laisser une voie de salut à la péninsule. M. Mazzini se jeta au milieu du combat, il fonda en même temps le journal et la société de la Jeune Italie. Ardent, fougueux, animé par la foi des martyrs unie à l’activité fiévreuse du conspirateur, il abordait d’assaut toutes les questions : le temps pressait, et M. Mazzini, tout en publiant ses écrits, préparait à l’insurrection des armes et des soldats. Combattre la politique française, qui résistait au mouvement démocratique, continuer la mission des hommes de 1793, se rallier à la jeune France, à la jeune Pologne, à la jeune Allemagne ; briser avec l’aristocratie, avec la royauté, avec la papauté, avec le passé, tel était le programme tracé par M. Mazzini dans le premier numéro de la Jeune Italie[1]. La France renonçant à la guerre, le révolutionnaire italien voulait que l’Italie se régénérât par elle-même. Dans le second numéro, M. Mazzini demande pourquoi les tentatives de délivrance ont échoué en Italie ? « Ce n’est point par la lâcheté des Italiens, répond-il ; les peuples ne sont jamais lâches. Ce n’est pas non plus faute d’élémens révolutionnaires. Quand un peuple, divisé en mille fractions, perverti

  1. Giovane Itatia, Marsiglia, 1832.